Douguine, le populisme, la Tradition et les GJ

Douguine, le populisme, la Tradition et les GJ

On connaît le philosophe et homme d’influence Alexandre Douguine, qui défend en Russie la doctrine extrêmement russe de l’eurasisme (ou néo-eurasisme puisqu’un premier eurasisme fut développé dans les années 1920 par des exilés russes). Ses conceptions appréciées d’une façon générale s’appuient sur la Tradition et une sorte de nationalisme mystique ; bien entendu et évidemment, la critique libérale occidentale s’est trouvée mécaniquement conduite à le classer à l’extrême-droite selon les normes terroristes psychologiques et communicationnelles du bloc-BAO pour le faire entrer dans sa grille de “diabolisation” habituelle et rechercher sa destruction intellectuelle dans l’opprobre religieux de l’excommunication.

Sans nous attarder aux détails politiques, aux évolutions chronologiques, etc., qui effectivement réduisent le débat à des querelles stériles et effectivement se heurtent à cette dialectique-Système de la “diabolisation” enterrant justement tout débat selon l’argument religieux de l’anathème de l’excommunication, nous mettrions Douguine dans un courant nationaliste mystique russe de type métaphysique et métahistorique où figureraient aussi bien Dostoïevski que Soljenitsyne. D’une façon fondamentale et hors des scories de la “diabolisation” toujours elle, laquelle recherche à tout prix l’abaissement des jugements et de l’esprit par conséquent, ce courant sort de la seule sphère russe lorsqu’il développe ses perceptions métaphysiques et rejoint le grand courant de la Tradition évidemment antimoderniste où l’on trouve des penseurs tels que Guénon et Evola qui sont des références de Douguine.

A partir de cette présentation, on comprend que l’intérêt de ce texte de Douguine sur la révolte des Gilets-Jaunes (*), – texte venu de l’anglais de FortRuss.comà partir du russe sur RT, – tient d’abord en ce qu’il généralise et, en quelque sorte, “internationalise” selon la référence de la métahistoire la crise des Gilets-Jaunes en France. C’est à notre avis la voie impérative à suivre pour le jugement le plus fécond : bien loin de leurs revendications, faire sortir les Gilets-Jaunes du cadre français tout en conservant les composants français les plus hauts et les plus ouverts à une métahistoire générale, pour mieux rechercher et définir leur signification.

Travaillant comme on l’a décrit, on trouve l’évidence impérative d’un Douguine repoussant énergiquement et absolument la classification droite-gauche avec toutes ses besognes de “diabolisation” qui dépendent bien plus de la “com’” affectionnée par le Système que de la métaphysique, pour justement développer une appréciation métaphysique, ou plus précisément dans ce cas métahistorique selon notre référence méthodologique habituelle. Il en résulte que Douguine voit dans les Gilets-Jaunes un mouvement de révolte contre les élites, celles que nommons nous-mêmes élites-Système (ou “élitesSystème”, pour suivre notre habituelle méthodologie dialectique), qui n’ont évidemment pas de frontières, d’autant que l’une de leurs idées centrales en tant que globalistes forcenés et globalistes religieux-intégristes est la destruction des frontières comme de l’identité.

La traduction politique rejoint alors, bien évidemment, le courant populiste que l’on voit partout se lever, sous des formes extrêmement différentes selon les nations, les régions et les conceptions, mais toutes ces formes se rejoignant et se transmutant en un courant homogène d’une vaste contre-attaque contre les élitesSystème unies au sein du courant globaliste (néolibéral, communautariste, “mélangistes”, etc., et “diabolisateur” bien entendu). Le caractère psychologique de cette réaction des Gilets-Jaunes est la rage et la colère contre l’arrogance et le nihilisme entropique, avec une indéniable couleur satanique, des élitesSystème.

Avec les Gilets-Jaunes, et particulièrement selon Douguine, il est évidemment question du “peuple” puisque l’attaque vise les élitesSystème dont la première démarche est le mépris et la haine du peuple qui rechigne à entrer dans le moule entropique de leur destruction. Pour autant, il est incontestable que la référence va aussi à une élite dissidente, dont Douguine lui-même fait partie et dont on trouve de nombreux représentants en France (là aussi hors des clivages droite-gauche et de leur désaccord dans la politique courante) ; qui se manifeste de plus en plus dans ce pays avec des gens aussi différents que Todd, Sapir, Finkielkraut, Zemmour, Michéa, Onfray, Gaucher, Guillluy, Houellebecq, de Benoist, etc.

L’intérêt des Gilets-Jaunes est effectivement de forcer à des grands reclassements hors des clivages favorisés par les élitesSystème pour développer leur dialectique déstructurante pour l’adversaire de la “diabolisation”, pour développer une critique antimoderne radicale. Il s’agit, à la fois opérationnellement mais aussi conceptuellement au plus niveau de la métahistoire, d’une critique antiSystème s’alimentant notamment, directement ou indirectement et pour une partie non négligeable, au courant de la Tradition primordiale débarrassée de ses clivages politiques bien entendu mais aussi de ses clivages par rapport à la question de la religion.

La menace suprême de l’entropie et de la destruction du monde que portent les élitesSystème par le biais de la globalisation doit conduire à écarter les querelles d’opinion, de chapelles, etc., pour en venir à l’essentiel. Les Gilets-Jaunes constituent à cet égard une formidable opportunité autant qu’une forte pression d’un type nouveau et c’est de ce point de vue que l’analyse de Douguine est d’une réelle utilité. Il est bon qu’elle vienne d’un non-Français, d’un nationaliste mystique russe qu’on croirait lié sinon fermé à son seul choix russiste (néo-eurasien), et qui au contraire apprécie le problème d’un point de vue transnational, unitaire, transcendant les frontières sans les abolir, transcendant les différences identitaires sans affaiblir en aucune façon les identités mais en les renforçant au contraire. Il y a une diversité très marquées mais qui se rejoint en un tronc commun face à la menace entropie/destruction du monde que développent les élitesSystème recherchant au contraire leur propre mélange niveleur et entropique puisqu’elles sont comptables de l’équation du Système surpuissance-autodestruction du Système.

(A cette occasion, il faut définir les élitesSystème comme ersatz d’élites, élites absolument inverties, car inversion plus encore que négation du concept d’élites, des “élites” absolument, totalement usurpatrices et inverties selon une démarche qui s’inspire de la manière satanique, jusqu’à faire croire à sa véritable existence sous la forme d’une influence entropique dévastatrice. Il faut aussi avancer l’hypothèse que la sociologie qu’en fait Douguine est soit contestable, soit incomplète, soit trop imprécise à notre sens ; à côté des nouveaux-super-riches, ou “super nouveaux-riches”, qui n’ont pas appris à être riches d’une manière responsable, toute l’infanterie des élitesSystème qui fait sa force de frappe est ainsi définie par Douguine : « ...personnes de types marginaux [qui] ont commencé à pénétrer dans la “nouvelle élite”, les personnes non issues de groupes périphériques, mais appartenant à des groupes minoritaires – ethniques, culturels, religieux [souvent sectaires] et sexuels – [qui] sont devenues dominants parmi eux. » Nous aurons une approche différentes : même s’il y a une telle diversité, c’est essentiellement la “fonction” qui caractérise cette “infanterie des élitesSystème”, essentiellement venue de la communication, que ce soit de l’entertainment, du show-biz, de la fausse-littérature, de l’art subventionné par le Corporate Power [A.C.], du clergé postmoderne, des ONG, etc. ; créatures particulièrement brillantes-blingbling, connues, pipoles clinquants, vedettes des talk-shows TV, élevées dans l’affectivisme tenant lieu d’intellectualisme, d’une culture subvertie et d’apparence, réduite aux acquêts postmodernes... Une très récente pétition pour que “les GJ se remettent au travail” comprend comme “personnalités” : Cyrile Hanouna, Stephane Berg, Thierry Lhermitte, BHL, – saltimbanques ou bouffons, ou les deux à la fois.)

dedefensa.org

 

Note

(*) Nous proposerions effectivement une “majusculation” générale en Gilets-Jaunes, pour marquer l’importance fondamentale de ce mouvement, et éventuellement utiliser l’acronyme “GJ” lorsque la rapidité d’un texte l’autorise, ou pour la facilité d’un titre. (D’ailleurs et “pour rendre à César” comme à notre habitude, nous noterons que certains lecteurs venus au Forum ont commencé à utiliser l’acronyme et nous ont inspirés à cet égard.)

 

insurrection en France

L’anatomie du populisme et le défi lancé aux élites

Les manifestations en France, symbolisées par des gilets jaunes, couvrent une partie de plus en plus importante de la société. Les experts politiques ont déjà qualifié ce mouvement de “nouvelle révolution”. L’ampleur du mouvement des gilets jaunes est d’ores et déjà telle qu’il est absolument nécessaire d’analyser ce phénomène de manière détaillée.

Nous avons affaire à une manifestation vivante du populisme européen moderne. La marque principale du populisme en tant que phénomène issu de la structure politique des sociétés formées à la suite de la Grande Révolution Française et basées sur l’antagonisme entre droite et gauche, est qu’il modifie radicalement cet antagonisme.

Les mouvements populistes rejettent ce schéma classique gauche / droite et ne suivent aucune attitude idéologique stricte, ni de droite ni de gauche . C’est la force et le succès du populisme: il ne joue pas selon les règles préétablies. Pour autant, le populisme a sa propre logique: malgré toute sa spontanéité, il est tout à fait possible de tracer une certaine logique et même les prémices d’une idéologie populiste qui se dessine sous nos yeux.

Tout d’abord, le fait que les mouvements populistes soient dirigés contre l’ensemble de l’élite politique, sans distinction, qu’elle soit de droite ou de gauche, est frappant. C’est le “soulèvement de la périphérie de la société contre son centre”. Dans son célèbre ouvrage, le sociologue américain Christopher Lasch(1932-1994) a qualifié la forme de gouvernement qui prévaut dans la société occidentale moderne de “Révolte des élites”.

Au début du XXe siècle, il était d’usage de suivre le discours de José Ortega y Gasset sur la “révolte des masses”, dont l’influence croissante sur la politique menaçait, semble-t-il, de détruire la culture occidentale – le Logos Européen. Mais Christopher Lasch a noté une nouvelle tendance politique : ce sont les élites qui détruisent la culture et le Logos Européen aujourd’hui. Ces nouvelles élites occidentales, qui n’ont atteint le sommet du pouvoir que par leur ressources et leur immense “volonté de puissance”, sont bien pires et plus destructrices que les masses.

Une personne ordinaire conserve encore certaines traditions culturelles; il est presque impossible de trouver un “prolétaire pur”. Mais les élites capitalistes modernes, qui n’ont pas d’aristocratisme, sont avides de pouvoir, de position et de confort. Dans le même temps, de plus en plus de personnes de types marginaux ont commencé à pénétrer dans la “nouvelle élite”, les personnes non issues de groupes périphériques, mais appartenant à des groupes minoritaires – ethniques, culturels, religieux (souvent sectaires) et sexuels – sont devenus dominants parmi eux. Selon Christopher Lasch, c’est cette cohue perverse qui constitue la base de l’élite mondialiste moderne, qui détruit les fondements de la civilisation.

En conséquence, le populisme – y compris celui des “gilets jaunes” – peut être considéré comme un soulèvement de représailles du peuple contre les élites, qui ont complètement perdu leur lien avec la société. Les élites ont construit leur propre monde dans lequel règnent le double discours de convention, des normes du politiquement correct et de la démagogie libérale.

Selon ces “nouvelles élites”, le peuple et la société, dans leur état actuel, n’ont pas leur place dans ce monde. Par exemple,  cette représentante typique de la “nouvelle élite”, Hillary Clinton, furieuse du succès du populiste de droite Trump, a ouvertement insulté les Américains ordinaires – comme déplorables, ce qui veut dire “néfastes” et “inexistants”. Les “Déplorables” ont choisi Trump – non pas parce qu’ils l’aimaient, mais pour répondre à la “sorcière globaliste” Clinton.

Macron est un représentant du même type des “nouvelles élites”. Il est curieux qu’à la veille des élections, le journal français Libération ait publié le titre « Faites ce que vous voulez, mais votez Macron ». Cela est une paraphrase évidente d’Aleister Crowley, qui s’est proclamé au XXe siècle l’Antéchrist et la Bête 666: « Fais ce que tu voudras sera la totalité de la Loi ». En d’autres termes, les foules obéissantes devraient voter pour Macron non pas pour des raisons rationnelles, pas à cause de ses idées et de ses vertus, mais simplement parce qu’il s’agit de la loi impérative de l’élite dirigeante. Le mépris des élites pour les masses obéissantes et asservies est si affichée que ces élites ne se donnent même plus la peine de les séduire avec des promesses irréalisables : « Votez pour Macron, c’est la consigne et ce n’est pas discutable. » Votez et alors vous êtes libre. Sinon vous êtes déplorables… C’est tout.

En Italie, les deux principaux groupes de la population ont voté pour les populistes de droite de La Ligue et pour les populistes de gauche du Mouvement des 5 Etoiles. Ensemble ces partis ont réussi à créer le premier gouvernement populiste de l’histoire européenne.

Et maintenant la France. Bien qu’en France, il n’existe pratiquement aucun contact politique entre le populisme de droite du Rassemblement National et le populisme de gauche de Mélenchon, aujourd’hui le populisme est réuni dans la révolte héroïque des “gilets jaunes”. Les gilets jaunes sont déplorables, à droite comme à gauche, au contraire de la droite libérale et de la gauche libérale qui sont admirables. Les populistes de droite sont terrifiés par la nouvelle politique insensée de l’élite en matière d’immigration et par la destruction des vestiges de l’identité française. Les populistes de gauche sont scandalisés par la politique économique désastreuse des libéraux, qui ne défendent que les intérêts des grandes entreprises. Macron est un protégé des Rothschild et cela montre de quel côté il est…

Les gilets jaunes se sont rebellés contre Macron et contre l’élite libérale au pouvoir. Mais aujourd’hui, ce n’est déjà plus un mouvement de droite ou de gauche classique. Macron est de gauche pour le soutien de la migration, la protection des minorités, la légalisation de la dégénérescence et le soi-disant “marxisme culturel”, mais il est de droite (droite libérale) en termes d’économie, défendant fermement les intérêts des grandes entreprises et de la bureaucratie européenne. Il est un pur globaliste, ne dédaignant pas une affirmation directe de son appartenance à la franc-maçonnerie (son fameux signe de la main représentant un triangle), même avec des slogans sataniques explicites : « Faites ce que vous voulez, votez pour Macron. » La révolte des gilets jaunes est précisément contre cette combinaison de droite libérale et de gauche libérale.

Si Mélenchon et Marine Le Pen ne peuvent pas être unis politiquement, étant l’un trop à gauche et l’autre trop à droite, les gilets jaunes le feront à la place de ces dirigeants politiques cherchant à diriger un mouvement populiste. Les gilets jaunes ne sont pas seulement contre la politique économique ou l’immigration – ils sont contre Macron en tant que symbole de l’ensemble du système, contre le globalisme, contre le totalitarisme libéral, contre “l’état actuel des choses”. Le mouvement des gilets jaunes est une révolution populiste et populaire. Et le mot “peuple” (populus, “le peuple”) doit être pris littéralement dans le concept de “populisme”.

Ce ne sont pas des masses abstraites ni un prolétariat impersonnel – ce sont les derniers peuples vivants qui se sont levés contre le pouvoir mondial de la progéniture globaliste, les rebelles de la culture et de la civilisation, comme le croit Laech, rebelles à propos de l’homme en tant que tel, des peuples. de Dieu. Aujourd’hui, il n’y a plus de droite ni de gauche : seul le peuple est contre l’élite. Les gilets jaunes créent une nouvelle histoire politique, une nouvelle idéologie. Le nom de Macron ne désigne pas une personne, c’est une étiquette de la matrice. Pour obtenir la liberté, il doit être annihilé. Ainsi les gilets jaunes se dressent-ils et disent-ils la vérité.