Premiers signes de l'apocalypse

Premiers signes de l'apocalypse

[NDT : ce texte a été publié quelque temps après les événements du 11 septembre 2001.]

La tragédie qui est arrivée aux USA le 11 septembre 2001 change la marche des événements sur la scène mondiale. S’il a été annoncé que toute la planète était une zone d’intérêts vitaux pour les USA, tout le territoire US peut maintenant être appelé une zone d’intérêt vital pour le terrorisme mondial.

Nous avons pitié et nous sommes peinés.

Nous exprimons nos profondes et sincères condoléances aux victimes innocentes de la terreur – aux gens ordinaires qui ont été victimes de cette tragédie affreuse et sans précédent.

Nous condamnons les actions de ceux qui ont tué des gens innocents.

UN ACTE GEOPOLITIQUE DE TERRORISME

Ce qui est arrivé aux USA le 11 septembre 2001 ouvre une nouvelle page dans l’histoire du monde. Comme cela fut le cas avec le coup de feu de Gavrilo Princip à Sarajevo, ou l’intervention des troupes nazies en Tchécoslovaquie, ici l’humanité quitte à nouveau la route, qui il y a peu de temps semblait si droite.

Aujourd’hui, comme jamais auparavant, il est important de comprendre ce qui s’est passé exactement.

En mettant de coté l’aspect humanitaire, il est nécessaire de comprendre la nature réelle des choses. Nous nous sommes réveillés dans un monde complètement différent.

Il est absolument visible que ce ne fut pas un accident, une catastrophe ou un crime sans témoins de gens en proie à une obsession. L’ampleur, le moment historique et le caractère de l’acte terroriste rendent visible son caractère géopolitique.

LE MONDE UNIPOLAIRE (LE MONDE D’HIER) 

Le XXIe siècle a commencé comme une époque d’hégémonie US dans un monde avec un seul pôle. Les USA apparaissaient non seulement comme un leader incontestable pour les questions de stratégie, de technologie, d’économie et de politique, mais aussi comme la réalité suprême et invulnérable donnant le ton des processus fondamentaux dans le monde. La mondialisation, dans son essence, signifiait précisément américanisation. Cette domination était basée sur la démonstration de sa force planétaire en tant qu’« hyperpuissance ».

LES SUPPORTERS DU CLUB MULTIPOLAIRE 

Mais cette domination des USA n’était pas reconnue par tous, ni d’une manière égale.

Un groupe de pays appelait ouvertement à un autre modèle mondial – un modèle multipolaire. L’orientation vers la multipolarité est officiellement contenue dans les documents de base de pays comme la Russie, la Chine, etc. Beaucoup d’autres pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine partagent aussi cette politique. Même les partenaires fiables des USA – l’Europe et le Japon – préféreraient avoir un monde multipolaire, bien qu’ils le disent assez prudemment (le plus souvent au niveau économique).

Même une organisation internationale aussi respectée que l’ONU, établie dans d’autres conditions historiques et reflétant un autre équilibre des forces, résistait quelque peu au projet d’hégémonie US.

Et quelques organisations terroristes radicales, souvent islamiques, étaient les plus durs opposants à la mondialisation américaine.

LA TERREUR ISLAMIQUE COMME ŒUVRE DES SERVICES SPECIAUX US

Cela doit être examiné en détails. Le fondamentalisme islamique (spécialement de caractère wahabite, sunnite extrémiste) fut encouragé par les USA eux-mêmes aux temps de la guerre froide. Dans le monde islamique, la confrontation des deux superpuissances (URSS et USA) se manifesta par le soutien de l’URSS aux régimes islamiques d’orientation socialiste (soit soviétique soit islamique, mais jamais fondamentaliste), alors que les USA, au contraire, plaçaient leurs espoirs dans le wahabisme et l’islamisme radical. Précisément, les USA donnèrent naissance à Al-Qaïda de Ben Laden et au mouvement pakistanais des Taliban, appuyèrent le wahabisme de son partenaire stratégique – l’Arabie Saoudite –, prirent part au contrôle des organisations palestiniennes radicales (d’orientation pro-saoudienne, y compris le Hamas). Plus tard ils soutinrent même les wahabites à Ichkerya (Tchétchénie), etc.

Après l’écroulement du bloc soviétique, il n’y avait plus d’utilité géopolitique pour ces groupements islamiques radicaux. Ils commencèrent à agir avec des programmes autonomes, et dirigèrent leur énergie contre les patrons d’hier.

L’une des attaques terroristes de ces anciens officiers de la CIA d’orientation islamique fut dirigée contre le World Trade Center, ce qui coûta de nombreuses vies humaines. En cela, ainsi que dans beaucoup d’autres cas, les USA souffrirent des mains de leur propre créature. L’absence d’un véritable adversaire géopolitique en face d’eux rend cette confrontation ambiguë. 

LES USA A LA VEILLE D’UNE CRISE UNIVERSELLE

L’opposition politique croissante au projet US de monde unipolaire cause de sérieux problèmes. Ainsi, durant une conférence de l’ONU à Durban, consacrée à la lutte contre le racisme, Kofi Annan critiqua ouvertement la politique raciale d’Israël (l’allié le plus dévoué des USA pour la question de la mondialisation).

De plus, malgré toutes les réussites de l’économie américaine, celle-ci se trouve face à une crise sérieuse à cause de la disproportion entre le volume de capital virtuel dans les Bourses et le capital investi dans le secteur réel de l’industrie. D’après de nombreux experts, une crise grave peut saper la puissance américaine. Les cotations des parts des sociétés liées à la dénommée « nouvelle économie » (NASDAQ) ont commencé à glisser vers le niveau critique.

Donc, résumons : à la veille de l’attaque terroriste, les USA avaient un sérieux dilemme : certaines conditions préalables à la domination unipolaire, une volonté assez subjective pour celle-ci (comme cela fut exprimé dans le concept de développement stratégique US pour le XXIe siècle par le président Bill Clinton en 1997) et l’incapacité à mettre cette domination en pratique dans les circonstances d’une opposition assez sérieuse d’autres pays, avec en arrière-plan l’aggravation de la situation économique intérieure.

L’ACTE TERRORISTE INAUGURE LA REVOLUTION DES EPOQUES

Le détournement par des terroristes de quelques avions civils, les attaques aériennes contre les immeubles du Pentagone et du World Trade Center, ainsi que les autres explosions et actions terroristes, ont eu lieu précisément durant ce tournant de l’histoire géopolitique du monde.

Quelques terroristes inconnus (appartenant très probablement à une organisation terroriste islamique) ont radicalement accéléré le processus historique et géopolitique, ayant placé les USA devant la nécessité de déterminer immédiatement leur rôle dans le contexte international, et les ayant privés de la possibilité de temporiser.

La direction politique US doit prendre cette décision historique dans le futur immédiat.

Il y a deux opportunités principales pour cela :

- interpréter un acte de terrorisme aussi réussi comme une preuve ultime de la non-préparation des USA pour le rôle d’hegemon mondial (puisque, étant incapables de garantir la sécurité à leurs propres citoyens, les USA ne pourront dès lors plus être les garants de la stabilité planétaire) ; ayant fait ce choix, les USA devraient en appeler au projet isolationniste (soutenu par l’aile droite des Républicains) et revenir à la « doctrine Monroe », selon laquelle la sphère des intérêts géopolitiques US est limitée aux deux continents américains ; cela signifierait une défaite US dans le projet de construction d’un monde unipolaire (du moins dans la perspective proche). 

- répondre au défi par un système de mesures dures, incluant des frappes nucléaires sur un ennemi supposé, écartant les « formalités démocratiques » ; la résolution des problèmes stratégiques, politiques, diplomatiques et économiques US par des « moyens de mobilisation », plaidant la situation d’urgence, pourrait en fait signaler le début d’une « troisième guerre mondiale ».

CONTRE QUI LES USA TIRERONT-ILS L’EPEE ?

Pourquoi aujourd’hui tout le monde parle-t-il de guerre ? Du point de vue de la logique ordinaire, on ne voit pas encore très clairement quel est le pays ou la force qui a infligé un coup aussi flagrant, que les USA n’ont jamais connu dans leur histoire (ayant pris l’habitude de combattre sur le territoire des autres, et souvent avec les mains des autres). Donc, à qui l’Amérique doit-elle répondre, et qui se chargera de la réponse ?

C’est une question de principe : si les événements suivent le second scénario, nous devrons reconnaître, même à un niveau semi-officiel, que dans ce cas toutes les forces s’opposant (bien qu’avec un degré d’intensité différent) au projet mondialiste et à la domination planétaire US figureront parmi les ennemis des USA. En d’autres mots, les USA sont maintenant face à la perspective de déclarer la guerre au monde entier.

Le coup contre les USA a été infligé par la branche la plus radicale des opposants au mondialisme. Une réponse dure signifierait que, quelle que soit la réaction diplomatique de certains pays ou mouvements politiques (commandement de l’OTAN, pays européens, Russie, Chine, Iran ou OLP), les USA doivent entamer une confrontation directe avec eux.

LES USA CONTRE LE MONDE

La structure de cette confrontation sera hétérogène. Quant aux alliés des USA dans l’OTAN et au Japon, dans cette situation une stratégie de la subordination directe devra être adoptée – particulièrement dans le domaine économique (l’argument US est que les « pertes économiques colossales causées par cet accident sont le prix payé par les USA en tant que bastion de la civilisation face à la barbarie, c’est-à-dire l’anti-mondialisme radical, et, par conséquent, tous les pays civilisés devront payer la note »). Cette mesure, couplée avec l’introduction de l’état d’urgence dans l’économie US elle-même, permettra de sortir d’une crise mondiale.

Des coups directs seront infligés aux partisans les plus obstinés de la multipolarité (dans le cas des dénommés « Etats voyous », ce pourraient être des actions militaires suivies par des actions modérées).

En fait, les actes terroristes ont signalé le début de la guerre entre le mondialisme unipolaire (ce n’est pas un hasard si le coup a été porté contre le World Trade Center – un symbole du capitalisme international et du mondialisme) et le reste du monde.

Il est clair que de nombreux pays et forces politiques préféreraient d’autres méthodes et un autre rythme de développement. Mais l’histoire ne connaît pas de mode subjonctif, et maintenant nous restons là où nous sommes.

L’humanité s’est arrêtée net, attendant une réponse US qui pourrait déterminer l’avenir du monde.

La guerre a été commencée. Les USA doivent choisir la réponse : baisser pavillon ou faire des représailles contre l’ennemi.

Toute tentative de retarder la décision ne changera rien dans une telle situation. La scène a été dressée, et la machinerie a été lancée. C’est précisément le « compte à rebours final » dont on a tant parlé ces derniers temps.

SENS GEOPOLITIQUE DU CONCEPT DE « TERRORISME INTERNATIONAL »

Voici quelques précisions au sujet du terme de « terrorisme international ». C’est un concept vague et géopolitiquement obscur. A l’époque de la guerre froide, les groupes terroristes agissaient en tant qu’instruments dans la confrontation des deux superpuissances. Certains terroristes étaient soutenus par les USA, d’autres par l’URSS. La désintégration de l’URSS brisa, en fait, le système des groupements terroristes formés par celle-ci. Les plus obstinés d’entre eux (comme Carlos) s’intégrèrent dans de petites structures indépendantes. Durant les dix dernières années, ce sont exclusivement les vainqueurs de la « guerre froide », c’est-à-dire les Américains, qui ont exercé un patronage sur des organisations terroristes. Le président russe a justement laissé entendre cela, appelant à porter à ce problème la plus grande attention. On voit maintenant aussi clairement pourquoi les Américains eux-mêmes n’étaient pas pressés de le faire.

Le terme de « terrorisme international » pourrait maintenant être appliqué à tous les partisans de la « multipolarité », et ils seront tous accusés d’une complicité directe ou indirecte avec lui. Celui-ci devra être prévu et extirpé.

« EURASIA » CHOISIT LA PAIX A TOUT PRIX

Le destin du monde est dans la balance.

La position d’« EURASIA » est la suivante : empêcher des tragédies similaires aux USA ainsi que dans toute autre partie du monde. Les USA doivent voir que, en ce moment, la mise en œuvre de l’idée de domination planétaire est irréaliste. S’obstiner dans cette voie apportera d’innombrables souffrances à l’humanité et à l’Amérique elle-même. Pour l’amour de la paix, de l’humanité et de la vie terrestre, les USA doivent faire preuve de sagesse et comprendre le lien direct entre la récente tragédie et la politique stratégique US après la fin de la période de la « guerre froide ». Les avions détournés qui visaient les centres stratégiques de la vie américaine ont été les premiers signes d’une future catastrophe à plus grande échelle. Les océans ne protégeront plus l’Amérique. La garantie de sécurité géopolitique US réside seulement dans un retour à la dimension régionale, continentale.

En prétendant à la domination du monde et en annonçant que toute la planète était pour eux une zone d’intérêt vital, les USA ont eux-mêmes causé une situation où n’importe quel pays de la planète, mécontent de cela, pourrait avoir une réaction similaire. La globalisation génère inévitablement la terreur globale. Si les USA ont annoncé que toute la planète était pour eux une zone d’intérêt vital, tout le territoire US pourrait devenir une zone d’intérêt vital pour la terreur globale.

La paix est maintenant nécessaire comme jamais auparavant. Si par miracle la morale adolescente des USA mûrit pendant ces jours (comme ce fut le cas dans le Vieux Monde, dont l’histoire est tachée de sang), nous vivrons dans un monde multipolaire meilleur et juste.

Sinon, il est très possible que nous soyons à la veille de la fin de l’histoire. La lutte de l’Amérique contre tous les autres, avec les technologies contemporaines de destruction massive, aura difficilement un résultat positif, même en théorie.