La théorie de l’Etat eurasien, Essai sur Nikolaï Nikolaiévitch Alekseiev
Onglets principaux
La théorie de l’Etat eurasien, Essai sur Nikolaï Nikolaiévitch Alekseiev
L’un des trois meilleurs
Le nom de Nikolaï Nikolaiévitch Alekseiev n’est pas toujours mentionné dans la liste des principales figures eurasistes. C’est une erreur ennuyeuse, contrastant fortement avec la dimension et la profondeur de ce penseur, avec l’importance de ses travaux et concepts pour toute la vision-du-monde eurasiste. Les noms de Karsavin (un penseur assez ordinaire) ou de Suvchinsky (qui dans l’ensemble est plus important pour son appui financier au mouvement que pour ses écrits médiocres) apparaissent en tête de la liste eurasiste, alors qu’Alekseiev vient plus bas, étant parfois simplement oublié. En réalité, il peut être inclus à juste titre dans le trio des auteurs eurasistes les plus intéressants, les plus originaux et les plus profonds, avec Nikolaï Trubetskoy et Petr Savitsky. Mais si Trubetskoy se spécialisa dans les aspects culturels-ethniques et idéologiques de l’eurasisme, si Savitsky se préoccupa de géopolitique et de géographie et dirigea une ligne politique-conspirationnelle, Alekseiev fut l’auteur des « théories de la loi eurasienne ». Ce triumvirat culturel-politique-juridique (Trubetskoy – Savitsky – Alekseiev) peut aussi être considéré comme formant les trois lignes de base de la doctrine eurasiste, constituant ensemble les contours d’une vision-du-monde unique, rigoureuse, extrêmement originale, la seule voie historique cohérente et adaptée à l’essence russe.
Alekseiev posa les bases du « droit eurasiste », cette jurisprudence qui, en accord avec les aspirations eurasistes, devait remplacer la jurisprudence soviétique après l’inévitable grand effondrement du pouvoir communiste, mais sauvant ainsi dans sa complétude tout le profond discours national, idéocratique, du bolchevisme, identifié à juste titre par les eurasistes comme étant un trait national dominant du peuple russe.
Ainsi, devant Alekseiev se trouvait une tâche très spécifique : il devait élaborer une théorie juridique qui, d’une part, serait issue de la ligne principale du développement organique du peuple russe, et d’autre part, s’accorderait avec le plus possible de critères et de conditions modernes. Pour accomplir une telle tâche, il était nécessaire de reconsidérer avec la plus extrême attention tous les concepts juridiques existant de la Russie passée et présente, depuis les travaux des auteurs d’avant la Révolution jusqu’aux documents juridiques et constitutionnels soviétiques. De plus, il était aussi nécessaire d’élaborer une position adéquate concernant la pensée juridique de l’Occident.
Pouvions-nous même imaginer un problème plus vaste, plus immense, dépassant clairement les possibilités d’une seule personne, même douée et bien préparée ? Et pourtant, Alekseiev accomplit cette mission, et grâce à lui nous avons aujourd’hui les bases d’une théorie unique qui, à notre avis, deviendra tôt ou tard le point de départ pour l’élaboration d’une Loi Russe organique, enracinée dans l’histoire, modernisée et idéalement applicable à notre environnement national.
Mais même ce mérite n’épuise pas la contribution d’Alekseiev à la théorie eurasiste. Parallèlement à l’aspect juridique de la question, il élabora aussi des thèmes philosophiques et culturels-historiques extrêmement intéressants. C’est étonnant, mais c’est seulement chez Alekseiev qu’on trouve le plus souvent de références à une pléthore de penseurs révolutionnaires-conservateurs, ses contemporains. Il se réfère constamment à Oswald Spengler et à Carl Schmitt, à l’école sociologique organique allemande et même à … René Guénon ! A notre connaissance, c’est un cas unique de référence à René Guénon chez les philosophes russes de cette époque, et ce simple fait démontre déjà combien vraie et exacte est l’identification – constamment affirmée par nous – du mouvement eurasiste avec la ligne principale du traditionalisme occidental, des théories de la Troisième Voie, et de la Révolution Conservatrice.
Ouvrir les livres d’Alekseiev, retourner à son héritage et à son jugement est un impératif catégorique de notre renaissance eurasiste commune.
Le contexte eurasiste
Etant eurasiste, Alekseiev reste un « orientaliste » [vostochnik] radical. Cela signifie que l’Orient géographique et géopolitique représente pour lui le pôle positif, alors que les aspects les plus significatifs du monde germano-romain, de l’Occident, lui inspirent de la répulsion et de l’indifférence. Cette stricte dichotomie entre Occident et Orient est un trait distinctif des eurasistes en général, et remonte à la formule du prince Nikolaï Trubetskoy : « L’Europe et l’Humanité », où « l’Europe » ( = « l’Occident ») est opposée au reste de l’humanité, [l’Europe] représentant une anomalie agressive, prétendant à l’unicité et à la complétude de son autorité morale et physique. Le terme « humanité », opposé à « Europe », est identifié à « l’Orient ». A cet égard, il est très intéressant d’attirer l’attention sur le livre de René Guénon « Orient et Occident » [1] (cité par Alekseiev), où le même concept est précisément affirmé : l’« Occident » est le monde de la dégénérescence et du déclin, le « monde moderne » décadent, une rupture radicale et catastrophique d’avec les normes et les principes de la Tradition, alors que l’« Orient » est le monde de la Tradition et de la loyauté aux principes, une réalité précieuse préservant sa connexion avec le monde originel de l’« Age d’Or ».
Les slavophiles (plus Leontiev) et les eurasistes russes, les organicistes allemands (Ferdinand Tönnies, etc.), et plus tard les Révolutionnaires-Conservateurs [2] (Arthur Moeller van den Bruck, Ernst Jünger, Oswald Spengler, Martin Heidegger, Carl Schmitt, etc.) et les traditionalistes latins (René Guénon, Julius Evola) avaient en fait une approche très similaire de la modernité, une approche culturelle-spatiale, faisant manifestement écho à la géopolitique, mais basée en même temps sur un paradigme historique radicalement opposé au modèle progressiste-évolutionniste qui prévalait en Occident. La « modernité » était identifiée à l’Occident, la Tradition à l’Orient. Mais ainsi les repères habituels étaient changés en leur contraire : « monde moderne » et « progrès » étaient considérés comme dégénérescence et déclin, Tradition et permanence des paradigmes culturels-religieux étaient pris comme la plus grande bénédiction.
De cette manière, le « moderne », l’« occidental », le « progressiste » étaient considérés comme des choses négatives, destinées à être dépassées ou même détruites. La thèse positive était le « Grand Retour », le « retour à l’Orient », à la « Source », au commencement, au Principe, au noyau oublié et perdu des choses, au Heartland, à la « Terre du Milieu » [3].
Cependant, dans ce contexte – commun à tout le mouvement révolutionnaire-conservateur sur le continent européen – les eurasistes russes introduisirent une correction substantielle, formulée pour la première fois par Petr Savistsky. Dans son analyse du livre fondamental de Trubetskoy, il affirma que la dichotomie soulignée par ce dernier entre « Europe et Humanité » devait être rendue concrète, puisque le second concept – l’« Humanité » – était trop flou pour servir de catégorie opérationnelle d’opposition historique entre les civilisations et pour mobiliser les organismes géopolitiques et nationaux en vue d’une action politique et métapolitique. Savitsky, se basant lui-même sur la géopolitique, proposa de franchir l’étape conceptuelle suivante – identifier l’« Humanité »-opposée-à-l’Europe, que Guénon appelait l’« Orient », à la Russie, non au sens d’Etat national, mais en tant que puissance [potentsya] continentale-culturelle, en tant que modèle idéal, d’une part comprenant assez clairement sa propre mission historique, et d’autre part assez ouverte et en même temps assez concentrée pour agir au nom de toute la « non-Europe ». Quand Dostoïevski, le plus grand révolutionnaire conservateur russe, parlait de « l’humanité universelle russe » [vsechelovechnost’], il exprimait la même idée. L’« Europe » tend à imposer par la force à tous les autres son archétype d’« humanité », identique à « l’Européen moderne et son système de valeurs et de priorités ». C’est le « cosmopolitisme occidental progressiste ».
Face à ce cosmopolitisme européen, visant à devenir universel et unique, se tient l’« Homme Universel Russe » [Vsechelovek], la « complexité florissante » de Leontiev, l’ensemble eurasien de cultures, de religions et d’ethnies consolidé autour de la Russie pour s’opposer à l’agression de l’Occident et pour affirmer le droit à la Tradition et à l’originalité.
Petr Savitsky développa ces thèses en détail, les ayant corroborées avec les études géopolitiques ainsi qu’avec les analyses des processus globaux de la politique concrète.
Nous rencontrons la même russophilie géopolitique chez la majorité des « révolutionnaires-conservateurs » en Allemagne – chez Moeller van den Bruck, traducteur de Dostoïevski en allemand et auteur du livre capital « Le Troisième Reich » (un terme usurpé plus tard par les nazis), chez Ernst Niekisch, chez le géopoliticien Karl Haushofer (avec sa doctrine de l’axe eurasien Berlin-Moscou-Tokyo) [4]. Cette « composante eurasiste » du mouvement révolutionnaire-conservateur allemand reçut le nom de « Ostorientierung ».
Il est vrai que René Guénon parvint à une conclusion différente et se convertit simplement à l’islam, s’installa au Caire et s’intégra complètement dans l’environnement socio-religieux arabe, ayant quitté l’Occident qui, de son point de vue, était dès lors irrévocablement condamné. Son élève et ami Julius Evola, à ce propos, traducteur de Spengler en italien et
ami de Merejkovski, tenta de faire renaître le « paganisme » indo-européen et contribua à la provision idéologique des mouvements fasciste et national-socialiste, qui dans l’ensemble rejetaient les conclusions de la géopolitique et l’approche eurasiste. Mais ce ne sont que des détails. Le point de départ était identique pour tous, et la fin misérable des pays de l’Axe lors de la Seconde Guerre Mondiale prouva la justesse théorique des eurasistes et de leurs adeptes européens, contre les racistes et les partisans du retour à une « Europe traditionnelle » seule, sans l’aide de l’Orient.
C’est aussi dans le contexte de cette attitude de base qu’agit Alexeiev, partageant complètement les idées eurasistes radicales, qui parmi toutes les tendances de la Révolution Conservatrice étaient les plus conséquentes, les plus complètes, les plus cohérentes et les plus convaincantes. Si la Russie-Eurasie doit accomplir sa mission civilisatrice particulière et l’incarner dans la réalité, cela requiert une doctrine toute prête couvrant tous les domaines publics, idéologiques, économiques et sociaux. Nikolaï Alekseiev se lança à lui-même le défi de créer la théorie de l’Etat eurasiste (ou Etat garant, selon sa terminologie). Et dans ce sens son rôle est presque identique à la position du génial juriste allemand Carl Schmitt [5], qui fit face à un problème analogue dans un contexte national différent.
Alekseiev est le Schmitt russe – et en poussant l’analogie on peut affirmer que sans
la philosophie eurasiste de la loi de Nikolaï Alekseiev, il ne pourrait y avoir aucune représentation rigoureuse de l’eurasisme, tout comme il serait impossible de parler de la Révolution Conservatrice allemande en passant sous silence l’une de ses figures centrales – la figure de Carl Schmitt.
L’« Etat des devoirs » contre l’« Etat des droits » (l’« Etat obligatoire » contre l’« Etat de droit »)
La philosophie des eurasistes est basée sur l’opposition entre l’approche organique, « holistique » de la société et de l’histoire, et l’approche mécaniste, « atomiste », « individualiste », « contractuelle ». L’organicisme (le holisme) considère les peuples, les Etats et les sociétés historiques comme des substances organiques, comme des essences naturelles intégrales nées conjointement de l’esprit et du sol, de la combinaison organique d’aspects subjectifs et objectifs. D’où son approche particulière de tous les points de vue restants, plus accessoires.
L’approche atomiste, inversement, considère toutes les formes socio-historiques – ethnies, Etats, classes, etc. – comme des conséquences de l’union arbitraire dans un groupe de personnalités et d’individus atomiques séparés, qui établissent cette union sous des formes variées de « contrats » et d’« accords ». En d’autres mots, l’élément indivisible et constant dans une telle approche mécaniste est seulement l’individu (ce mot latin signifie « indivisible », et son exact équivalent grec serait le mot « atome » – « indivisible »), toutes les formes restantes ne sont finalement que des accidents historiques, ne possèdent aucune ontologie autonome et par conséquent peuvent ainsi varier arbitrairement, faisant place à différentes formes de groupements contractuels. Il est curieux que l’approche organiciste ait été la plus répandue dans le milieu des scientifiques allemands, alors que l’« individualisme » connut son développement prioritaire en Angleterre et en France. Les philosophes conservateurs russes (slavophiles) gravitèrent toujours autour de l’organicisme et à cet égard s’appuyèrent surtout sur des auteurs allemands. Cette régularité peut être observée sur le plan spatial : l’organicisme (le holisme) est caractéristique de l’Orient, l’individualisme de l’Occident, et cela est vrai à la fois pour la partie européenne de l’Eurasie, et pour tout le continent (la tradition d’Extrême-Orient et l’hindouisme représentent les formes les plus radicales de philosophie et de doctrine religieuse holistiques).
Nikolaï Alekseiev projeta aussi ce dualisme dans la théorie de la loi et parvint à de très intéressants résultats. L’étude de la pensée juridique occidentale l’amena à la conclusion
que le même concept du droit était lié à l’origine à la doctrine individuelle mécaniciste. Le « droit » décrit le domaine de la liberté d’un individu en relation avec des réalités différentes
– autres individus, propriété, environnement naturel et culturel, institutions sociales, etc. En d’autres mots, le droit émane de la supposée « autonomie » et « souveraineté » d’un individu, de son autosuffisance et de sa complétude devant les différentes strates de la vie. De cela Rousseau tira sa théorie extrême du « droit naturel ». Mais déjà longtemps avant les Lumières, dans l’Occident féodal et même en partie dans l’Antiquité classique, Alekseiev aperçoit les tendances à l’autonomisation de l’individu et à la confirmation de cette autonomisation dans le code social. Le concept du « droit » se réfère à l’origine aux catégories élues – à l’Empereur, aux patrices, plus tard aux seigneurs, aux représentants du clergé, etc. Ici nous sommes encore loin de Rousseau reconnaissant le « droit naturel » à tous les membres de la société humaine, mais la tendance générale est assez clairement retracée. Dans le processus du mouvement dans cette direction, nous en arrivons aux théories libérales modernes de la loi, les plus complètement exprimées dans les travaux du juriste libéral autrichien Kelsen. Ayant étendu le concept du droit à chaque membre de la société, nous en arrivons au concept de l’Etat de droit, au concept aujourd’hui fameux des « droits de l’homme ».
Nikolaï Alekseiev démontre que cette voie de pensée juridique et d’évolution des institutions juridiques reflète seulement l’une des lignes possibles de développement social, celle qui est basée sur la philosophie rationaliste, atomique individualiste – naturelle et logique pour l’Occident, mais complètement étrangère et inacceptable pour l’Orient. Il est très important de souligner ce moment dans la théorie d’Alekseiev : le concept du « droit » est lié à une réalité géopolitique et géographique strictement fixée. Il prétend à l’universalité, mais reflète en réalité le processus local particulier de développement d’un seul segment de l’humanité. Alekseiev remarque avec ironie le fait que par le nom de « théorie générale de la loi », les juristes occidentaux comprennent « théorie générale du droit occidental », laissant hors du champ d’observation tous les modèles juridiques alternatifs qui, pourtant, sont jusqu’à maintenant répandus parmi les peuples formant la plus grande partie de l’humanité, et qui de plus ont aussi existé en Occident à diverses époques historiques. En d’autres mots, dans le domaine juridique nous trouvons à nouveau la fraude typique : l’Occident vise à imposer ses pratiques locales à tous les autres peuples, identifiant son expérience géographique et historique unique avec la « théorie générale de développement », avec « la principale voie d’évolution sociale et morale », etc. La conclusion la plus intéressante d’Alekseiev : quand nous utilisons le mot « droit », nous entrons déjà implicitement dans le système du mode de pensée occidental. Nous nous trouvons dans un contexte philosophique étranger à la logique organiciste.
Mais qu’est-ce qui s’oppose au concept du droit, dans les modèles sociaux alternatifs ?
Le concept de devoir. C’est sur lui qu’Alekseiev insiste tant. Se référant à un exemple tiré
de l’histoire sociale de l’ancienne Russie, il utilise très précisément le vieux terme « Etat tributaire » [tiaglovoïé gosudarstvo], l’Etat bâti sur le principe de la prévalence des devoirs.
Dans sa forme la plus pure, un tel « système tributaire » ne connaît et ne reconnaît aucun droit, il affirme seulement des devoirs partout. Cela dérive du fondement philosophique de
la société traditionnelle, qui considère l’« individuum » comme une partie du tout, comme
une projection dépendante et non autosuffisante de l’universel sur l’individuel. A partir de là, l’« individuum » est représenté seulement comme une partie d’un ensemble unique : église, état, peuple, nation, communauté. C’est un principe général, le principe de préséance du commun dans la formation du tout. Ferdinand Tönnies, à qui Alekseiev se réfère souvent, décrivit finement ce dualisme par l’opposition entre les principes de Gemeinschaft et de Gesellschaft [6]. Gemeinschaft signifie « communauté », Gesellschaft signifie « société ».
Les équivalents latins sont « communa » et « socium ». « Commune », « Gemeinschaft », « obschina » [« communauté », en russe] suppose que le tout précède le privé, le prédéterminera, et par conséquent le privé a seulement des devoirs envers le tout.
« Socium », « Gesellschaft », « obschestvo » [« société »], inversement, voit le commun comme un produit du privé, le tout étant constitué, édifié, au moyen de liens (« Socium », « Gesellschaft », signifie littéralement « lié », « relié », « rattaché artificiellement »). Dès
lors, une telle « unité composite » est, par sa propre essence, redevable à ses parties, qui
par conséquent reçoivent automatiquement des « droits » fondamentaux, des « droits » procédant de leur supériorité ontologique.
En réalité, il y a deux théories possibles de la loi. Dans la première, les individus apparaissent comme le quotient et la communauté contractuelle [apparaît] comme le produit de relations privées. La corrélation entre les premiers et la seconde, et des individus entre eux, représente le contenu de la loi, telle que l’Occident la comprend. L’expression pour définir une telle construction est la théorie de l’« État de droit » et des « droits de l’homme » (ces derniers ne supposent absolument pas l’État, qui dans ce cas peut être remplacé par n’importe quelle autre forme d’association, comme dans les théories modernes du « mondialisme », du « gouvernement mondial », etc.).
La seconde théorie de la loi ne traite pas avec des individus (« indivisibles ») mais avec des personnes, des personnalités, puisque le terme « personne » en grec signifie « masque » et était appliqué au caractère des participants de la tragédie. La « personnalité » russe est étymologiquement liée au grec, et son sens est également plus proche de « fonction », de « rôle », de « masque », que d’une unité autosuffisante, souveraine, autonome. Ces masques- personnalités sont des formes discrètes d’expression du tout – de la communauté, du peuple, de l’Etat. Elles exercent une « fonction tributaire », elles « tirent » l’ensemble de la vie sociale qui est si lourd précisément parce qu’il s’agit d’opérer avec l’universel, le complet, le tout.
Le champ social de chaque personnalité dans l’« Etat tributaire » est clairement conjugué avec la complétude d’une puissante ontologie. Ici chacun sert à quelque chose, assumant le rôle présélectionné par le tout et ayant pour récompense la perspective ontologique constante de leur coparticipation précieuse à ce tout, la possibilité d’avoir accès à ses forces vitales sans limites et à sa quiétude spirituelle.
Le souverain, le Roi, le Basileus [le Vasiliev], celui qui est le porteur du droit selon le concept occidental, longtemps avant les Lumières et le libéralisme, ne représente pas une exception à l’« Etat tributaire ». Le roi eurasien, le roi de la société organique, est lui-même une personne, un masque, une figure tributaire, comme tous les autres. Il est le serviteur de la vie sociale, et par conséquent il est le premier à sentir sur lui tout le fardeau du service ontologique. Le Roi est plus astreint [au devoir] que tous ses sujets. Il est personnellement responsable de l’activité continue de toutes les personnalités restantes. Il n’est pas un collecteur d’impôts, mais un superviseur, un « vicaire » [un pasteur] de l’entreprise sociale vivante, qui lui est confiée par quelque chose de supérieur à lui, vis-à-vis de laquelle il est seulement un masque et un rôle, une fonction et un serviteur.
Alekseiev avec modération – pour ne pas définitivement intimider l’intelligentsia des émigrants russes de l’ancien régime, éduqués dans leur écrasante majorité selon les théories libérales – du concept du « droit des devoirs » [pravoobiazannost’] comme d’une approche juridique alternative. Mais objectivement il est néanmoins nécessaire de parler seulement de « devoirs », d’« Etat obligatoire », d’« Etat tributaire » ; et si on utilise toujours la catégorie du droit, cela ne se fait que dans un sens d’application, dans un sens instrumental, subordonné, pour structurer et rationaliser ces problèmes juridiques qui peuvent être plus commodément considérés du point de vue du droit. Mais cette nécessité technique de la référence au « droit » ne signifie pourtant pas son implication dans l’ontologie sociale, et par conséquent elle nous permet, à proprement parler, d’exclure la mention des « droits » en partant de la définition basique de la « jurisprudence eurasiste » et de parler seulement des « devoirs », ce qui apparaît pleinement symétrique au concept occidental d’« Etat de droit » [pravoïé gosudarstvo, littéralement « Etat des droits »].
« La Russie est notre Monastère »
Pour ne pas déformer la position de notre auteur, il est cependant nécessaire de spécifier qu’il ne qualifie pas l’Etat eurasiste d’« obligatoire » [obiaziatelnoo], mais parle du « droit des devoirs » [pravoobiazannost’], d’« Etat garant » [garantinoïé gosudarstvo], de « demotia » et d’« idéocratie ». Les eurasistes utilisaient entre eux le terme de « demotia » pour différencier le sens mécanique d’avec le sens organique du principe démocratique. « Demotia » signifie « démocratie organique », le principe de la « coparticipation du peuple à son propre destin », selon la définition donnée par Arthur Moeller van den Bruck [7]. Une telle coparticipation, étant opposée à la démocratie libérale, suppose la coparticipation à la fatale décision sociale et étatique non seulement des citoyens adultes vivants appartenant à un territoire et à un système social concrets, mais aussi d’une certaine essence particulière, d’un certain esprit national, qui provient des morts, des vivants et de ceux qui ne sont pas encore nés, de la voie naturelle commune des communautés à travers l’histoire. « Idéocratie » signifie la subordination de la vie sociale à un idéal concret, un « telos » naturel jaillissant de la culture, de la religion et de l’esprit de la nation et de l’État, demeurant constant en dépit des cataclysmes politiques, idéologiques, ethniques et même religieux. Certainement, le principe de la « demotia » et le concept de l’« idéocratie » conduisent tous deux directement à l’« Etat obligatoire », antithèse radicale de la loi occidentale, une sorte d’anti-Kelsen. Mais néanmoins Alekseiev vise personnellement à souligner les traits les plus bénéfiques et les plus positifs de l’Etat eurasiste, au lieu de cette ontologie sociale plutôt rigide qui fut conjuguée avec l’« Etat obligatoire » et qui s’incarna si clairement dans le régime soviétique.
Une telle aspiration – se distançant d’une certaine manière d’un modèle radical de l’« État obligatoire » – est assez nette chez Alekseiev dans son jugement socio-juridique (traditionnel dans l’historiographie russe) de l’opposition entre les « iosifiens » [les « joséphiens »], les partisans de Iosif [Joseph] Volotsky, évêque de Volokolamsky, et les « zavolzhtsi », adeptes de l’hésychaste (*) Nil Sorsky. Iosif Volotsky, honoré comme un saint russe, fut l’un des premiers théoriciens russes de l’« État tributaire ». Il considérait toutes les manifestations sociales et même spirituelles de la personnalité comme servant le Tout national-religieux, l’Empire Orthodoxe, la Russie sacrée. Plus tard la ligne de Volotsky fut poursuivie par Ivan Peresvetov, principal théoricien de l’oprichnina (*), et par Ivan le Terrible, figure célèbre de la Russie moscovite, brillant exemple historique de l’« Etat obligatoire ». Alekseiev discerne très justement la même ligne dans la ferveur des premiers Vieux Croyants, et pour le temps présent dans le bolchevisme et le léninisme. Alekseiev reconnaît que ce « iosifianisme » est un phénomène profondément eurasiste, symptomatique et extrêmement significatif pour comprendre le modèle socio-juridique alternatif au modèle occidental. Mais ainsi Alekseiev a tendance à considérer un tel modèle non comme l’axe central, mais comme l’un des pôles possibles de l’organisation sociale eurasiste, comme le Pôle Sévère, comme un régime restrictif, prohibitif, écrasant, terroriste, absolutisant le régime public. A ce propos, parmi les contemporains d’Alekseiev, ce modèle « iosifien » était défendu par les nationaux-bolcheviks et par les smenovekhovi (*) [les partisans du courant politique « Smena Vekh »].
Bien que reconnaissant la supériorité du iosifianisme sur le libéralisme, Nikolaï Alekseiev penche cependant vers une version différente du système social, qu’il fait remonter à la ligne des « zavolzhsky startsi » [les « Vieux Croyants »], à Nil Sorsky, à son élève Vassian Patrikeiev, prince de Kurbsk. C’est le Pôle Miséricordieux du modèle eurasiste, permettant une attitude spirituelle, contemplative, dépassant le service social-tributaire, un espace culturel-spirituel particulier invoqué pour compenser l’excès de socialisation et de totalitarisme, pour anoblir et affiner le discours de l’« État obligatoire ». Et cette ligne
aussi, indubitablement, est profondément enracinée dans l’élément national russe, qui en même temps que l’éthique du service et de l’ascétisme connaît parfaitement l’éthique de la spéculation lumineuse, de la méditation dans la grâce, de la transfiguration lumineuse de la chair en esprit. La ligne des « zavolzhsky startsi », sa projection dans la politique, dans une certaine société secrète – qui est soulignée par Alekseiev et qui, selon lui, se trouve derrière le phénomène de l’eurasisme – donne la théorie de l’Etat messianique rigoureux, la Russie-Eurasie idéale, la Troisième Russie, basée sur la pierre angulaire de l’« Etat obligatoire » iosifien, mais sublimée par la contemplation mystique hésychaste-monastique. « La Russie est notre Monastère », a dit Gogol dans un contexte similaire.
En même temps, ce Pôle Miséricordieux ne représente en aucune manière, à proprement parler, une concession au principe légal. La représentation de la personnalité fondamentale, représentant une manière d’être différente de l’unité sociale, est simplement élevée à un niveau religieux-mystique, contemplatif-monastique. Et pourtant aucun droit ne surgit pour la personnalité, mais à coté des devoirs tributaires sociaux, politiques et laborieux, il y a un devoir bénéfique, compensatoire, léger, mais toujours un devoir, celui de la coparticipation hésychaste personnelle à la complétude de la Lumière de la Grâce incréée, ouverte par le sacrifice de Jésus à chaque membre de l’Église – l’Église en tant qu’unité originelle, constituant la « nouvelle personnalité », la « personnalité bénie » du chrétien, né d’En-Haut.
Le mysticisme de l’histoire russe confirme la justesse des vues d’Alekseiev – Nil Sorsky fut canonisé et accueilli dans la communauté des Saints, tout comme son adversaire Iosif Volotsky. Mais la vénération pour Nil Sorsky était plutôt locale, alors que Iosif Volotsky jouit de la gloire d’un saint national, aimé et largement honoré par le peuple entier. Exactement la même chose est vraie des modèles politiques de l’Etat eurasiste – la ligne iosifienne, terrible, moscovite, oprichino-bolchevik prévalut, comme une sorte d’« exotérisme ». Alors que la ligne miséricordieuse des « zavolzhsky startsi » était claire pour l’élite – les startsi de l’Optina (*) [les « saints hommes » de l’ermitage d’Optina] du monachisme, des subtils prophètes de la Russie (comme Dostoïevski ou Blok), de nos mystiques et hommes spirituels.
Byzantisme
La typologie des deux modèles sociaux alternatifs proposés par Alekseiev dans l’article « L’idée de la ‘cité terrestre’ dans la doctrine religieuse chrétienne », corrélant les formes juridiques avec l’environnement religieux confessionnel, est extrêmement intéressante. Alekseiev souligne ce fait majeur que la société de l’Ancien Testament était le prototype
des régimes libéraux-démocratiques modernes, puisqu’elle ne connaissait pas la théorie
de l’« Etat organique », qu’elle était fondée sur des principes extrêmement théocratiques
et qu’elle relativisait (et dans certains cas diabolisait) de toutes les manières possibles la signification de l’autorité impériale [8]. Des éléments de cette « démocratie théocratique » sont identifiés par Alekseiev à travers toute l’histoire de la jurisprudence occidentale, jusqu’aux théories modernes de l’« État de droit ». C’est un élément très important : l’identification de la tradition judaïque avec l’esprit occidental, avec la forme occidentale.
La même chose (bien que dans un contexte différent) fut affirmée par René Guénon, rangeant le judaïsme parmi les traditions spirituelles de l’Occident [9]. Ultérieurement, déjà dans la société chrétienne, la même ligne donna naissance au modèle catholique romain, au césaro-papisme, etc. Et comme forme la plus haute et la plus achevée d’un tel « Etat anti-Etat » du type de l’Ancien Testament, Alekseiev désigne les Etats-Unis d’Amérique, le pays de l’Extrême-Occident où toutes les tendances sociales-libérales atteignirent leur apogée historique. Et ce n’est pas un hasard si les Etats-Unis sont entre les mains de sectes protestantes extrémistes, qui tentèrent de reconstruire artificiellement dans le Nouveau Monde une copie de la réalité de l’ancien judaïsme, à la tradition duquel se réfèrent toutes les branches calvinistes du protestantisme.
Alekseiev affirme très justement que l’Orient adhéra à un modèle social différent, dans
lequel, au contraire, l’importance du principe monarchique, du « despotisme », était soulignée. A la place du « contrat social » sous la surveillance de la théocratie, nous avons l’« État holistique » sous la suprématie d’un Roi-père, du fait de son organicité rappelant une famille de travailleurs ou même un organisme unitaire. Il est possible de comparer le principe théocratique à la suprématie de l’esprit, de la tête, et le principe monarchique à la suprématie du cœur, du centre du sujet.
La Russie fut initialement organisée comme un État de type oriental, à l’opposé du modèle judaïque. Même antérieurement, une telle forme radicalement non-judaïque se développa
dans l’Empire byzantin, qui était l’incarnation de la tradition chrétienne comprise à la manière orientale (« eurasienne ». L’Orthodoxie et sa doctrine socio-politique : c’est le christianisme eurasien. Mais contrairement aux monarques non-chrétiens de l’Orient, le Vasiliev orthodoxe n’est pas déifié au plein sens du mot. Ses fonctions et même sa prêtrise, son rôle social et holistique obéissent aux principes sacrés de l’Eglise non d’une manière personnifiée, comme dans le catholicisme, mais d’une manière mystique, providentielle, eschatologique. Un tel modèle est communément appelé « césaro-papisme ». Mais ici ce ne sont pas simplement les proportions césaro-papistes relatives du christianisme occidental qui sont inversées. Ici la qualité des deux fonctions est complètement différente, les formes de gouvernement sont incomparablement différentes des institutions occidentales correspondantes. Le byzantisme, en réalité, est d’une certaine manière conforme à l’idée gibeline dans sa version la plus élevée. L’Empire est compris comme un service religieux, comme un aspect de la domostroïtelstvo (*) ecclésiastique de l’Église, comme une fonction eschatologique et sotériologique. L’Empereur ne s’approprie pas l’autorité religieuse du Patriarche (du pope), il consacre au contraire de la manière la plus complète son propre pouvoir temporel, le transformant en
un service plus que séculier, en un service transfigurant. Le seigneur spirituel est même
placé plus haut, sur le plan spirituel, mais inversement ses pouvoirs sont réduits sur le plan séculier, libérant les énergies pour le service purement religieux – contemplatif, mystique, eucharistique. Ainsi, le Modèle byzantin n’est pas un simple despotisme oriental (bien que dans le pire des cas il puisse descendre à ce niveau), mais un système idéalement équilibré, avec des proportions optimales entre le « principe tributaire » de l’État holistique – l’État en tant qu’idée, en tant qu’indivisibilité ontologique de la substance, en tant que principe, en tant qu’empire sacré – et en tant qu’action spirituelle pour la domostroïtelstvo religieuse du salut.
Et même si cet équilibre harmonieux et providentiel entre deux types d’autorité est perdu (c’est-à-dire l’équilibre que René Guénon considérait comme le signe distinctif de la société authentiquement traditionnelle, parfaite), le byzantisme est voué à décliner vers le modèle oriental de despotisme, mais absolument pas jusqu’à l’« État de droit », vers lequel dégénèrent les formes sociales de l’Ancien Testament ou les formes sociales catholiques romaines.
Le projet de l’État eurasiste
Quelles conclusions basiques émergent-elles des travaux d’Alekseiev ? Que propose-t-il à
la place des systèmes juridiques, légaux, qu’il critique ?
D’abord et le plus important, Alekseiev déclare nettement que la loi en Russie doit être bâtie sur des principes et des raisons alternatifs aux théories juridiques occidentales-libérales. Le plus important n’est pas le droit, mais la vérité, l’État de vérité. L’État garant, « obligatoire », traitant avec des personnalités, pas avec des individus, avec des projections de l’unité, à la place des fondateurs atomiques de l’entreprise arbitraire et inessentielle. C’est pourquoi la jurisprudence nationale doit radicalement et rigidement refuser de copier les théories juridiques de l’Occident, sujet de leur analyse critique historico-géopolitique détaillée et scrupuleuse, adoptant seulement ce qui ne contredit pas les principes de l’« Etat tributaire » et ce qui peut être utilisé à des fins limitées, instrumentales.
Deuxièmement, le type idéal de l’État eurasiste sera le modèle byzantin vigoureux combinant le principe sévère iosifien du service total, analogue au totalitarisme du domostroïtelstvo pour tout le peuple et pour tout l’État, avec le principe miséricordieux de la contemplation des « zavolzhsky », de la transfiguration hésychaste, élevant l’action ordinaire au niveau d’une Action Mystique.
Troisièmement, l’État eurasiste doit par conséquent tendre à universaliser son modèle, incorporant différentes cultures et ethnies, les faisant bénéficier de la lumière de sa mission salvatrice et bénéficiant de la variété exceptionnelle des formes culturelles. A la fin, l’Eurasie doit être réalisée et construite comme un Tout Unique, comme une communauté indivisible, comme une proto-réalité plastique du destin historico-géographique (spatial-temporel). Mais ce Tout se manifeste à travers les « personnes », les personnalités nationales (fondées sur lui) auxquelles est confiée une mission obligatoire – réduire la mosaïque continentale à une image unitaire, déchiffrer les paysages et les ensembles ethniques comme les fragments d’un texte complet uniforme ; une lecture qui est confiée aux générations de l’ère eschatologique, à la population du Grand Empire Eurasiste de la Fin, dont la création et la consolidation est la mission la plus élevée et le dernier choix du peuple élu, le peuple russe – porteur de Dieu.
Nikolaï Alekseiev a fait un long voyage sur cette route. Le reste, il l’a laissé à ceux qui viendraient après lui. C’est-à-dire : nous.
Notes [1] Voir aussi René Guénon, « La crise du monde moderne », 1946, 1973.[2] Voir A. Dugin, « Révolution Conservatrice », Moscou 1994. [en russe ; idem pour les
autres livres de Dugin]
[3] Voir A. Dugin, « Fondations de la géopolitique », Moscou 1997.
[4] Ici.
[5] Ici. Voir aussi « Révolution Conservatrice », op. cit. ; la revue « Elementy » N° 3, 1993,
et N° 8, 1997.
[6] Voir A. Dugin, Révolution Conservatrice », op. cit., ou « Elementy » N° 4, 1993.
[7] Voir A. Dugin, « Révolution Conservatrice », op. cit.
[8] La relation détaillée entre le principe hiératique et le principe impérial dans la tradition
orthodoxe est examinée dans le livre de A. Dugin « Métaphysique de l’Annonciation »
(ésotérisme orthodoxe), Moscou 1996.
[9] Voir A. Dugin, « Fondations de la géopolitique », op. cit. Préface au livre de N. Alekseiev : « Le peuple russe et l’Etat » [Russkii narod i gosudarstvo], Agraf, Moscou 1998. (*) Notes du traducteur Starchestvo : courant politico-religieux qui se développa à la fin du 15ème siècle / première moitié du 16ème siècle, tirant son nom (zavolzhiskie starstsy) de son rassemblement dans le territoire au-delà de la Volga. Il encourageait l’ascétisme, l’abandon du monde profane, le refus de la propriété des terres par l’Église. Parmi ses idéologues figuraient Nil Sorsky et Vassian Kosoy. Hésychasme : courant mystique de l’Église Orthodoxe pendant ses périodes tardives byzantines et post-byzantines. Oprichina : d’après le mot oprich (littéralement : de coté), l’institution créée sous le Czar
Ivan le Terrible ; elle garantissait au Czar la faculté de punir les criminels et les traîtres par sa propre volonté. Le terme finit ensuite par définir le corps de fonctionnaires chargés de cette fonction. Smenovekhovy : courant politique du 19ème siècle, né parmi les nationaux-bolcheviks Blancs.
Sa figure la plus représentative était N. Ustryalov. Le nom vient d’une série d’articles publiés en 1921 sous le titre de « Smena Vekh », littéralement « changement d’orientation ». Optina : Kozel’ skaya Optina, célèbre ermitage russe. Domostroïtelstvo : littéralement « administration de la maison ». Le Domostroï est une œuvre fameuse de la Russie moscovite, écrite au milieu du 17ème siècle et attribuée au protopope Sylvestre. Traduit du russe par Martino Conserva.