Unis par la haine
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Unis par la haine
Si l’on en croit les médias mainstream, votre nation, la Russie, est un des principaux pays du « monde antidémocratique ». Et la Russie, avec le président Poutine, intervient dans les affaires nationales de l’Ukraine…
C’est complètement faux. La Russie est une démocratie libérale. Lisez la constitution russe : nous avons un système électoral démocratique, un parlement qui fonctionne, la liberté du commerce. Notre constitution est basée sur des modèles occidentaux. Notre président Vladimir Poutine dirige le pays d’une manière démocratique. Nous ne sommes pas une monarchie, nous ne sommes pas une dictature, nous ne sommes pas un régime soviétique communiste.
Les hommes politiques occidentaux affirment que Poutine est un dictateur.
Ils se basent sur quoi ?
À cause de ses lois sur l’homosexualité, de son soutien à la Syrie, des poursuites contre Michail Chodorchowski et les Pussy Riot…
Ils le dénoncent comme un dictateur parce qu’ils n’aiment pas la mentalité russe. Chacun des points que vous avez mentionné est totalement légitime d’un point de vue démocratique et n’est nullement une marque d’autoritarisme.
Il faudrait quand même admette que la Russie, dont on peut ne pas aimer la politique, est un pays dirigé de manière libérale et démocratique. Le Président Vladimir Poutine accepte les règles démocratiques de notre système et il les respecte. Il n’a jamais violé la moindre loi. De ce fait, la Russie appartient au camp libéral démocratique et la grille de lecture de la Guerre froide n’est pas opérante pour expliquer la crise ukrainienne.
Comment peut-on décrire ce conflit violent et sanglant ?
Il faut en faire une analyse géopolitique et civilisationnelle. Et nous devons prendre en compte les faits historiques, même quand ils sont contraires aux idées en vogue !
Que voulez-vous dire ?
Que l’Ukraine est un État qui n’a jamais existé dans l’histoire. C’est une entité qui a été créée récemment et qui se compose au moins de deux parties complètement différentes tant par leur identité que par leur culture. Il y a une Ukraine de l’Ouest qui participe de l’identité de l’Europe orientale. Les Ukrainiens occidentaux se considère en grande partie comme des Européens et leur identité est basée sur le rejet total du panslavisme et de la Russie. Les Russes sont considérés comme les ennemis absolus. On peut dire qu’ils haïssent les Russes, la culture russe et la politique russe. Cette haine est une composante importante de leur identité.
En tant que Russe, cela ne vous inquiète pas ?
Pas du tout ! Il s’agit de leur identité. Cela ne veut pas nécessairement dire qu’ils veulent nous faire la guerre, juste qu’ils ne nous aiment pas. Nous devons respecter cela. Les Américains sont haïs par de nombreux peuples et ils l’acceptent bien. Que les Ukrainien occidentaux nous haïssent n’est pas une bonne ou une mauvaise chose. C’est juste un fait qu’il faut simplement accepter. Tout le monde n’est pas obligé de nous aimer !
Mais les Ukrainiens orientaux apprécient quant à eux les Russes.
La majeure partie de ceux qui vivent dans la partie orientale de l’Ukraine partage une identité commune avec le peuple Russe – historiquement, civilisationnellement et géopolitiquement. L’Ukraine orientale est une terre russe et eurasienne. En réalité, il existe deux Ukraine. Nous voyons cela très clairement lors des élections. La population est partagée sur toutes les questions politiques importantes. Et quand elles ont trait aux relations avec la Russie, nous constatons à quel point ce problème devient dramatique : une partie de l’Ukraine est absolument pro-Russe, l’autre est rabiquement anti-Russe. Deux sociétés différentes, deux pays différents et deux identités nationales et historiques coexistent dans une seule entité.
La question est donc, quelle société domine l’autre ?
C’est un point fondamental de la politique ukrainienne. Nous avons deux Ukraine et nous n’avons qu’une capitale : Kiev. Mais à Kiev, nous avons les deux identités, cette ville n’est pas plus la capitale de l’Ukraine orientale que de l’Ukraine occidentale. La capitale de l’Ukraine occidentale est Lviv, celle de l’Ukraine orientale est Kharkiv. Kiev est la capitale d’une entité artificielle. Ceci est très important pour comprendre l’actuel conflit.
Les médias occidentaux ainsi que les « nationalistes » ukrainiens ne seront pas d’accord avec votre description de l’Ukraine comme un État « artificiel ».
Les faits sont clairs. La création de l’État d’Ukraine au sein de ses frontières actuelles, n’est pas le résultat d’une évolution historique, mais d’une décision bureaucratique et administrative de l’Union soviétique. La République socialiste soviétique ukrainienne fut une des quinze républiques constituant l’URSS de sa création en 1922 à sa chute en 1991. Cependant, durant ces soixante-douze années d’histoire, les frontières de la République d’Ukraine furent modifiées à de nombreuses reprises, principalement quand une part conséquente de l’Ukraine occidentale fut annexée par l’Armée rouge en 1939 et lorsque la Crimée lui fut rattachée en 1954.
Certains hommes politiques et analystes estiment que la solution la plus simple serait la partition de l’Ukraine en deux États.
Ce n’est pas aussi facile que cela semble à cause du problème des minorités nationales. Mombre de ceux qui vivent en Ukraine occidentale se considèrent comme des Russes. Mombre de ceux qui vivent en Ukraine orientale se considèrent comme des Ukrainiens uniquement. Une siple partition du pays ne résoudrait pas le problème mais en créerait de nouveaux. Seule la séparation de la Crimée est envisageable car elle est entièrement peuplée de Russes.
Pourquoi l’Union européenne souhaite-t-elle tant intégrer tous ces problèmes dans sa sphère d’influence ?
L’Union européenne n’y a aucun intérêt. Ce sont les États-Unis qui y ont intérêt. On assiste actuellement à une campagne politique contre la Russie. L’invitation faite par Bruxelles à l’Ukraine de rejoindre l’UE a immédiatement entraîné un conflit entre l’UE et Moscou et un conflit interne en Ukraine. Cela n’a rien de surprenant pour qui connaît la société ukrainienne et son histoire.
Mais le président Viktor Yanukovych a refusé l’invitation de l’Occident.
Bien sur qu’il l’a refusée. Il a été élu par l’Ukraine orientale pro-russe et non pas par l’Ukraine occidentale. Yanukovych ne peut pas agir contre les intérêts et les souhaits de sa base électorale. S’il avait accepté l’invitation de l’Union Européenne, il aurait immédiatement été considéré comme un traitre par ses électeurs. Les partisans de Yanukovych veulent l’intégration avec la Russie. Pour parler clairement : Yanukovych a simplement fait ce qui était logique pour lui. Il n’y a ni surprise, ni miracle, simplement une logique politique.
L’alliance anti-Yanukovych comprend des libéraux, des anarchistes, des communistes, des militants des droits des homosexuels, ainsi que des groupes nationalistes qui sont parfois néo-nazis. Qu’est-ce qui unit ces différents mouvements ?
Ils sont unis par une seule chose : leur haine de la Russie. Yanukovych pour eux est l’homme de la Russie, l’ami de Poutine, l’homme de l’Est. Ils haïssent tout ce qui a un rapport avec la Russie. Cette haine les tient unis ; ils forment un bloc de haine. Pour le dire clairement, la haine est leur seul idéologie politique. Ils n’aiment ni l’Union européenne ni Bruxelles.
Quels sont les principaux groupes ? Qui détermine les actions de l’opposition ?
Au sein de ce qu’on nomme les Euro-Maidan ce sont clairement les groupes néo-nazis violents qui dominent. Ils incitent à la violence et tentent de provoquer une situation de guerre civile à Kiev.
Les médias mainstream occidentaux affirment que le rôle de ces groupes extrêmistes est artificiellement amplifié par les médias pro-russes afin de nuire à toute l’opposition.
S’ils affirment cela, c’est pour botter en touche. Comment pourraient-ils justifier que l’Union européenne et les gouvernements européens soutiennent des mouvements racistes, extrêmistes et néo-nazis à l’extérieur des frontières de l’Union européenne alors qu’à l’intérieur de celles-ci ils mènent des campagnes mélodramatiques contre des groupes d’extrême droite mille fois plus modérés ?
Mais comment les militants des droits des homosexuels et les groupes de la gauche liberale peuvent-ils combattre côte à côte avec des néo-nazis qui sont bien connus pour être homophobes ?
Avant tout, tous ces groupes haïssent la Russie et le président russe, cela en fait des camarades de combat. Et les groupes de la gauche liberale ne sont pas moins extrêmistes que les néo-nazis. Nous les nommons libéraux, mais c’est une erreur. On peut constater en Europe de l’Est et en Russie que, très souvent, le lobby hommosexuel et les goupes néo-nazis et ultra-nationalistes sont alliés. De même, le lobby hommosexuel a des idées très extrêmistes sur la manière de déformer, rééduquer et influencer la société. Nous ne devons pas oublier cela. Le lobby des gays et des lesbiennes n’est pas moins dangereux pour la société que les groupuscules néo-nazis.
Nous avons pu observer une situation similaire à Moscou. Alexej Nawalny, le bloggueur libéral qui y était candidat aux dernières municipales, était soutenu par une alliance allant des mouvements activistes pour les droits des homosexuels aux groupes néo-nazis.
Tout à fait. Et cette coalition était soutenue par l’Occident. Ce qui pour lui est important, ce n’est pas l’idéologie de ces groupes, elle n’intéresse pas les dirigeants occidentaux.
Que voulez-vous dire ?
Selon vous qu’est-ce qui arriverait si une organisation néo-nazie soutenait Poutine ou Yanukovych ?
L’Union européenne mènerait une campagne politique, tous les médias rendraient compte de ce fait et seraient scandalisés.
C’est exactement ce qui se passerait. Cela montre que l’important c’est de quel côté un groupe se tient. Si ce groupe est contre Poutine, contre Yanukovych ou contre la Russie, l’idéologie de ce groupe n’a pas d’importance. Si ce groupe soutient Poutine, la Russie ou Yanukovych, l’idéologie devient immédiatement un problème majeur. Tout dépend du côté géopolitique que le groupe adopte. Tout se réduit à la géopolitique. Ce qui se passe en Ukraine en est une bonne leçon. Elle nous dit que la géopolitique domine ces conflits et rien d’autre. La même chose se vérifie en Syrie, en Libye, e Égypte, dans le Caucase, en Irak, en Iran …
Tous les groupes qui prennent parti de l’Occident sont donc considérés comme de « bons » groupes, indépendamment de leur extrémisme ?
Oui, et tout groupe qui prend parti contre l’Occident – même s’il est séculier et modéré – sera traité d’extrêmiste par la propagande occidentale. Cette approche domine le champ de bataille géopolitique actuellement. Vous pouvez être le combatant salafiste le plus radical et le plus brutal, vous pouvez hair les juifs et manger de la chair humaine devant les caméras, tant que vous combattez pour les interêt occidentaux contre le gouvernement syrien vous serez un allié respecté et soutenu. Si vous défendez une société modérée, laïque et multi-religieuse - toutes les idées que l’Occident prétend incarner - mais si dans le même temps vous prenez position contre les intérêts occidentaux comme l’a fait le gouvernement syrien, c’est vous qui serez désigné comme l’ennemi. Personne ne s’intéresse à ce à quoi vous croyez, la seule chose qui compte, c’est le camp géopolitique que vous choisissez qui fait que vous avez tord ou raison aux yeux de l’hegemon occidental.
Les groupes nationalistes de l’opposition ukrainienne ne sont pas du tout d’accord avec vous. Ils affirment : « Nous combattons à la fois la Russie et l’Union européenne, nous voulons une troisième voie ! » Est-il possible d’adopter une position terceriste dans la guerre géopolitique actuelle ?
L’idée d’adopter une position terceriste et indépendante face aux deux blocs dominants est très commune. J’ai eu des discussions intéressantes avec un cadre dirigeant de la guérilla séparatiste tchétchène. Il m’avoua qu’il avait réellement cru à la possibilité d’une Tchétchènie islamique indépendante et libre. Mais ensuite, il comprit qu’il n’y avait pas de possibilité d’une « troisième voie », il comprit qu’il combattait contre la Russie et pour l’Occident, qu’il était un instrument géopolitique de celui-ci, un auxiliaire de l’OTAN sur le champ de bataille caucasien. Il en est de même pour les nationalistes ukrainiens ou les jihadistes arabes. Tous sont des auxiliaires de l’Occident. C’est difficile pour eux de l’admettre, car personne n’aime l’idée d’être un idiot utile de Washington.
Pour parler franchement : une « troisième voie » est-elle absolument impossible ?
Tout à fait. En géopolitique s’affrontent les puissances thalassocratiques et tellurocratiques. Actuellement, la puissance terrienne est la Russie, la puissance maritime les États-Unis. Durant la deuxième guerre mondiale, l’Allemagne a tenté de s’imposer comme une troisième voie. Cette tentative fut basée précisément sur l’erreur politique que nous venons d’évoquer. L’Allemagne fit la guerre à la thalassocratie représentée par l’Empire britannique et à la tellurocratie représentée par la Russie. Berlin affronta les plus grandes puissances de son époque et perdit la guerre. Il en résultat la destruction complète de l’Allemagne. Comment voulez-vous donc, alors que la puissante Allemagne fut incapable d’imposer une troisième voie, que des groupes plus petits et plus faibles soient capables d’en instaurer une maintenant ? C’est impossible, c’est une illusion ridicule.
Ceux qui affirment combattre aujourd’hui pour une troisième voie indépendante sont donc pour vous en réalité au service de l’Occident. Est-ce bien cela ?
Oui, dans la plupart des cas.
Certains hommes politiques allemands ont révélé qu’ils ont été surpris par les scènes de guerre civile à Kiev.
Cela en dit plus sur la culture politique et historique de vos hommes politiques que sur la crise en Ukraine…
Moscou donne l’impression d’être très passif dans cette affaire : il ne rend pas la monnaie de leur pièce aux européens en soutenant des mouvements de contestation chez eux. Pourquoi cela ?
La Russie n’a pas de projet impérialiste. Moscou respecte la souveraineté des autres pays et n’interfère pas dans leur politique intérieure. C’est une position qui est juste et honnête. Nous pouvons voir cette politique à l’œuvre même en Ukraine. On constate que les hommes politiques européens ainsi que les diplomates et politiciens Yankees qui se rendent à Kiev pour soutenir l’opposition sont beaucoup plus nombreux que les hommes politiques russes venant manifester leur soutien à Yanukovych. Il ne faut pas oublier que la Russie n’a aucun intérêt hégémonique en Europe, alors que les États-Unis en ont. Pour parler franchement, l’Union européenne n’est pas une entité européenne mais un projet impérialiste transatlantique. Elle n’est pas au service des intérêts européens mais de ceux de Washington. L’Union européenne est en réalité anti-européenne, et le mouvement Euro-Maidan est en réalité anti-Euro-Maidan. Les néo-nazis violents d’Ukraine ne sont pas plus nationalistes, qu’ils sont patriotes ou européens, ils sont tout simplement des marionnettes des Yankees. Il en est de même pour les Femen et pour les groupes activistes homosexuels ou libéraux de gauche.