Interview

Alexandre Douguine sur Trump et la guerre avec la Société Satanique

Alexandre Douguine sur Trump et la guerre avec la Société Satanique

Le philosophe, penseur, sociologue et géopoliticien de renommée mondiale Alexandre Gel'evič Douguine a accordé une grande interview de 90 minutes à la chaîne YouTube "Metametrica". Il y a passé un rouleau compresseur sur les États-Unis et l'Union européenne, les qualifiant de "civilisation de l'Antéchrist", a prédit l'assassinat de Trump et a noté que la confrontation actuelle entre la Russie et l'Occident est une guerre de civilisations, dans laquelle "la société satanique et diabolique" se bat contre nous, Russes. Vous trouverez ci-dessous les déclarations les plus intéressantes du philosophe de mon point de vue, rassemblées dans un article.

Pouvons-nous dire que nous nous battons aujourd'hui pour que la Russie devienne une civilisation à part entière ?

Pouvons-nous dire que nous nous battons aujourd'hui pour que la Russie devienne une civilisation à part entière ?

Alexandre Douguine "Un véritable intellectuel, un homme pour qui sa propre pensée est plus importante que son existence physique" : c'est ainsi que l'on parle du penseur russe Alexandre Douguine. Et la presse occidentale qualifie le philosophe de "mentor de Poutine", de "cerveau du Kremlin", de "fondement idéologique du SMO". Il y a un an, des terroristes ont fait exploser la fille de Douguine, Daria, pour le détruire. Pourquoi est-elle morte et quelles sont les idées défendues par Douguine lui-même ?

Un de Benoist qui a l’audience d’un Zemmour et l’influence d’un BHL

Le premier mouvement eurasiste a été fondé dans les années 1920 par des intellectuels russes de l’émigration (Troubetskoï, Savitski, Alekseiev, etc.). Ceux-ci affirmaient que l’identité russe est née d’une fusion originale entre les éléments slave et turco-musulman et que la Russie constitue un « troisième continent » entre l’Occident (dénoncé comme matérialiste et décadent) et l’Asie. Les eurasistes se démarquaient des nationalistes classiques et des slavophiles et, sans être communistes, ils n’étaient pas opposés à l’expérience soviétique, qu’ils regardaient comme la continuation de l’idée impériale russe.

Le néo-eurasisme de Douguine reprend ces idées, mais il va plus loin. Il élève la théorie de Mackinder, qui oppose thalassocratie et tellurocratie, « île mondiale » (l’Amérique) et « terre mondiale » (l’Eurasie), à la hauteur d’une explication de l’histoire. Cela a comme conséquence que son eurasisme peut être à la fois une idée purement russe et en même temps une idée universelle puisque sont eurasistes, où qu’ils demeurent, tous ceux qui se réfèrent aux valeurs de la tellurocratie. Ainsi, on peut considérer que l’eurasisme de Douguine est plus qu’une simple idéologie politique, c’est un système de pensée et une vision-du-monde. 

SOUVERAINISTES AFRICAINS ET RUSSIE, «UNE ALLIANCE NATURELLE»

Douguine est l'une des plus passionnantes rencontres de mon parcours politique de ces dernières années. Passionnante, car nous avons en commun une figure dont nous nous revendiquons respectivement les disciples, en l'occurrence René Guénon. Ses recherches sur la Tradition primordiale ont changé ma vie et ma perception du monde. Et Douguine me paraît être aujourd'hui le plus brillant disciple de Guénon, qui ne se contente pas de louer son «maître idéologique», mais prolonge son œuvre, en inscrivant la démarche traditionaliste dans une dimension géostratégique. C'est sous cet angle d'ailleurs que son ouvrage «Le front des traditions» demeure pour moi un livre important. Ses chapitres tels que Les racines métaphysiques des idéologies politiques, Le facteur métaphysique dans le paganisme, La Grande Guerre des continents demeurent pour moi des sources de réflexions intarissables. La seule nuance que j'ai avec Douguine, et elle est de taille, est que là où il met le bloc eurasiatique au centre de tout (ce qui est normal, c'est de cette région dont il est issu), moi c'est l'Afrique.

Pour revenir à ce que nous avons dit, nous avons parlé de beaucoup, beaucoup de choses. La seule chose que je peux vous dire, c'est que le monde multipolaire est vu par lui comme par moi comme une nécessité. La Russie, grâce à des gens comme Douguine, est en train de bâtir un axe eurasiatique surpuissant qui participe à maintenir les différents souverainismes dans ce monde. L'alliance d'un Erdogan avec un Poutine illustre cette orientation. À nous autres souverainistes africains de faire en sorte que l'Afrique puisse devenir ce pôle puissant tant voulu par les pères fondateurs du panafricanisme.

« Finalement, la volte-face d’Aléxis Tsípras s’explique très bien »

Les perroquets qui répètent des propos de bistrot peuvent bien dauber sur la « fainéantise » des Grecs et la « gabegie des fonctionnaires ». Ils feraient mieux de consulter les chiffres de l’OCDE. En 2014, les Grecs ont travaillé en moyenne 2.042 heures, soit plus que les Français (1.489 heures) et les Allemands (1.371 heures). En 2011, les fonctionnaires représentaient en Grèce 8 % de l’emploi, contre 11 % en Allemagne. En réalité, Joseph Stiglitz et Paul Krugman, tous deux prix Nobel d’économie, l’ont dit avec netteté, et l’ancien ministre Yánis Varoufákis n’a lui aussi cessé de le rappeler, l’économie grecque s’est effondrée, non pas en dépit, mais à cause des mesures d’austérité qu’on lui a imposées. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, on se retrouvera dans quelque temps exactement dans la même situation qu’auparavant. Le FMI prévoit déjà que le taux d’endettement atteindra d’ici deux ans 200 % du PIB. D’ici là, une crise politique est plus que probable. Comme disait le regretté Philippe Muray,« le réel est reporté à une date ultérieure ».

Le long parcours : une interview avec Alexander Dugin

Il faut mettre ici l’accent sur le mot géopolitique. Cela indique que Poutine déplore non pas le contenu idéologique de l’idéologie soviétique mais plutôt l’effondrement de l’espace politique unifié longtemps avant le bolchevisme et représentant la Grande  Russie comme l’entité politique basée sur la similarité civilisationnelle entre l’histoire et les cultures de groupes ethniques et de peuples différents. L’Occident ne connaît que peu de choses ou rien du tout sur l’histoire réelle de la Russie. Parfois ils croient que l’Union Soviétique était une création purement communiste et que des Etats comme l’Ukraine, le Kazakhstan ou l’Azerbaïdjan étaient indépendants avant l’URSS et qu’ils furent conquis par les bolcheviks ou forcés à entrer dans l’Etat soviétique.

Le fait est qu’ils n’existèrent jamais en tant que tels et qu’ils ne représentaient que des districts administratifs sans aucune signification politique ou historique dans l’Empire russe aussi bien que dans l’URSS. Ces pays furent créés dans leurs frontières actuelles artificiellement, seulement après l’effondrement de l’URSS et en résultat de cet effondrement.

La Russie vit sous occupation.

La Novorossie est devenue le symbole de cette image du futur. Lorsque nous disons que la Novorossie est notre utopie, ce n’est pas juste. Cette image est suffisamment intelligible. Elle est déjà présente dans les premières ébauches de Constitution de Novorossie, dans le soutien de la famille traditionnelle, dans l’Orthodoxie en tant que religion d’État, dans les essais de nationalisation de portions du grand capital. Évidemment, les représentants les plus invétérés de la « sixième colonne » se sont jetés sur la Novorossie, le segment des managers libéraux le plus efficace en termes de destruction. Mais la lutte est loin d’être terminée. L’image de l’avenir de la Novorossie, c’est l’image de l’avenir russe. La victoire de l’esprit sur la matière, la transfiguration de la matière au nom d’un objectif lumineux et sacré. Et la justice sociale. L’image de l’avenir de la Russie est constituée de ces deux aspects, et elle est apparue en Novorossie. Mais le réseau libéral mondial ne sommeille pas. La guerre est en route. Il ne s’agit pas de notre guerre ; on nous l’a imposée. Mais nous en avons fait notre guerre sacrée. Nous nous sommes levés en défense du monde russe.

Aujourd’hui, le sang russe qui se répand là chaque jour, et particulièrement le sang d’enfants innocents, de femmes, éveille en nous une antique volonté, une voix ancienne, du fond de notre histoire, de notre essence. C’est là un rite terrible. Si nous regardons l’ennemi exterminer notre peuple, sans pouvoir fournir un support suffisant pour le repousser, nous ne pourrons survivre. Le combat pour le monde russe va se poursuivre.

Ces nationalistes ukrainiens qui jouent le jeu des USA…

Pas plus que je ne suis de ceux qui le jugent avec des formules toutes faites qui ne reflètent jamais que leur ignorance (« nouveau tsar », « ancien kagébiste », « dictateur rouge-brun », etc.), je ne suis un poutinolâtre. Vladimir Poutine n’a certainement pas que des qualités. Sa politique intérieure, ses méthodes de gouvernement peuvent sans doute être critiquées. Il y aussi, chez lui, une sorte d’indécision qui l’empêche de trancher clairement entre les différents clans qui le conseillent. Mais il n’en est pas moins évident que c’est un grand, sinon un très grand chef d’État – l’un des seuls qui existent aujourd’hui. Fort d’un taux de popularité qui excède aujourd’hui 90 %, il a remis la Russie sur ses rails, et aspire à lui rendre le rang qui lui revient. Il veut que cette Russie soit fidèle à son histoire et pense que son peuple mérite d’avoir un destin. C’est déjà énorme. Le simple fait que les États-Unis voient en lui l’obstacle n° 1 à l’instauration du nouvel ordre mondial qu’ils veulent imposer justifie à lui seul qu’on lui apporte un soutien mérité. Car ce contre quoi il se dresse nous menace aussi. Ici et maintenant.

Nous avons besoin d'une Europe indépendante des États-Unis

Certains experts estiment que les Américains peuvent se mêler de la situation…

Ils se sont déjà mêlés, ce sont eux qui ont organisé Maïdan. Ils avaient besoin de brouiller la Russie avec l'Allemagne et les autres pays de l'Union européenne.

Mais pourquoi ?

Premièrement, ils doivent ranimer l'image de l'ennemi pour justifier leur politique étrangère agressive. Deuxièmement, il leur faut prendre le contrôle de l'Ukraine – faible économiquement mais géopolitiquement importante – pour y déployer leurs bases militaires. L'Amérique est toujours en guerre contre nous : quand nous sommes gentils avec elle, ses méthodes sont douces, mais quand nous résistons, les méthodes durcissent. Aujourd'hui, la Russie répond à toutes les attaques des Américains, c'est pourquoi ils ont décidé de s'occuper sérieusement de nous.

Unis par la haine

Pourquoi l’Union européenne souhaite-t-elle tant intégrer tous ces problèmes dans sa sphère d’influence ?
L’Union européenne n’y a aucun intérêt. Ce sont les États-Unis qui y ont intérêt. On assiste actuellement à une campagne politique contre la Russie. L’invitation faite par Bruxelles à l’Ukraine de rejoindre l’UE a immédiatement entraîné un conflit entre l’UE et Moscou et un conflit interne en Ukraine. Cela n’a rien de surprenant pour qui connaît la société ukrainienne et son histoire.
Mais le président Viktor Yanukovych a refusé l’invitation de l’Occident. 
Bien sur qu’il l’a refusée. Il a été élu par l’Ukraine orientale pro-russe et non pas par l’Ukraine occidentale. Yanukovych ne peut pas agir contre les intérêts et les souhaits de sa base électorale. S’il avait accepté l’invitation de l’Union Européenne, il aurait immédiatement été considéré comme un traitre par ses électeurs. Les partisans de Yanukovych veulent l’intégration avec la Russie. Pour parler clairement : Yanukovych a simplement fait ce qui était logique pour lui. Il n’y a ni surprise, ni miracle, simplement une logique politique.

Syrie : que va faire la Russie ?

Alexandre Dougine : Nous devons analyser le combat actuel pour le pouvoir géopolitique comme une continuation de l’antique conflit des puissances continentales, représentées par la Russie, et des puissances maritimes représentées par les USA et l’OTAN. Ce n’est pas un phénomène nouveau, c’est la continuation de la vieille lutte géopolitique et géostratégique. Les années 1990 furent une période de grande défaite pour les puissances terrestres représentées par l’USSR. Michail Gorbatchev refusa de continuer le combat. Ce fut une forme de trahison et de résignation face au monde unipolaire. Mais avec le président Vladimir Poutine, au début des années 2000, survint la réactivation de l’identité géopolitique de la Russie comme une puissance terrestre. Ce fut le début d’une nouvelle compétition entre les puissances terrestres et maritimes.

Hilarion de Volokolamsk: un sain conservatisme

Le métropolite Hilarion : Tout d’abord, je voudrais distinguer le conservatisme et le traditionalisme du fondamentalisme et du radicalisme. Ce que nous observons maintenant dans l’islam est une croissance des mouvements fondamentalistes qui mènent, en fait, à la déformation de l’islam et à la violence directe à l’encontre des chrétiens et des représentants des autres confessions religieuses. Un tel radicalisme est absolument inacceptable, tant pour les chrétiens que pour les musulmans traditionnels. Lorsque nous parlons du traditionalisme et du conservatisme dans l’Église, il s’agit de tout autre chose. En général, un sain conservatisme a toujours été inhérent à l’Église orthodoxe, lequel a revêtu des formes différentes à diverses époques. Le schisme [des vieux-croyants] est une tragédie de l’Église russe, qui était due à de nombreux facteurs. Je tiens à souligner qu’elle s’est produite à un moment où les influences étrangères commençaient à pénétrer en Russie, tant occidentales que grecques. Le patriarche Nikon [auteur de la réforme liturgique du XVIIème siècle, ndt] était captivé par la Grèce et a décidé de procéder à une correction des livres liturgiques selon les modèles grecs. Dans un premier temps, cela a provoqué la méfiance, puis ensuite détaché de l’Église une partie importante de son « aile conservatrice », comme vous le dites. Il me semble qu’en soi, cette tragédie ne remet pas en question la présence et la nécessité du conservatisme dans l’Église, parce que l’Église orthodoxe est traditionnelle, elle conserve précieusement  ce qui a été accumulé au cours des siècles. Nous ne devons jamais nous précipiter dans les réformes liturgiques.

La Russie, l’Occident et l’Allemagne

La Russie est l’allié naturel d’une Europe libre et indépendante. Il n’y a donc pas d’autres options. Bien sûr, l’Europe actuelle n’envisage pas cette option, car elle est systématiquement refoulée par le fan-club transatlantique des égéries des Pussy Riots. Mais cela pourrait bien vite changer. Qui imaginait, au début de l’été 1989, que le Mur de Berlin allait tomber en automne? Une poignée d’esprits lucides que l’établissement considérait comme fous ou dangereux.

 

L’eurasisme, dans sa version originelle, insiste sur la pluralité des cultures

L’approche eurasiste consiste dans la pluralité des civilisations, une pluralité librement ressentie. Beaucoup de gens se rendent compte qu’une société ne ressemble pas à une autre, qu’un peuple ne ressemble pas à un autre. C’est une chose presque évidente. Mais du point de vue de l’eurasisme, ces différences sont une bonne chose. Autrement dit, nous avons une approche structuraliste, nous suivons ici Levi-Strauss, et nous pensons que tout système ethnique, toute culture crée son langage, son modèle de valeurs, son modèle social qui correspondent à son chemin historique et à ses particularités. Et ses modèles ne peuvent pas être comparées entre eux, ils n’ont pas de mesure commune, ils sont incommensurables. On ne peut pas le mesurer, car il n’y a pas de critère pour cela. En passant d’un contexte à un autre, la conscience, y compris la conscience politique et sociale se modifie tellement que les points de repère du groupe de référence disparaissent, puisque ces structures de langage sont autosuffisantes, partiellement ouvertes, mais on ne peut pas faire de lien, de transfert, de traduction directe.

Ca, c’est le premier point. Maintenant le second. Nous considérons, contrairement au racisme occidental qui considère les stades du développement progressif, nous considérons que la culture occidentale est raciste, entièrement, et en particulier la culture libérale-démocratique, car elle considère les différences comme un mouvement progressif, c’est-à-dire il y a quelqu’un qui est plus en retard et quelqu’un l’est moins, donc en appliquant une logique de progrès, on en arrive à la conclusion qu’il y a des sociétés plus développées et d’autres moins développées. Donc les sociétés moins développées sont tout de suite privées du droit de défendre leur vérité, elles sont considérées immatures, sous-développées, exclues, dans un certain sens, et même lorsqu’on veut les développer, c’est à travers la modernisation, donc on leur impose un pattern qui leur est étranger.

Poutine fait tout ce qu’il faut faire (entretien avec Douguine - Zuerst)

Voyez-vous, ce que croit l’Occident aujourd’hui, c’est qu’un jour toutes les démocraties libérales abandonneront leur souveraineté et se fonderont dans une sorte de “super-nation” sous l’hégémonie américaine. Telle est bien l’idée centrale de la globalisation à l’oeuvre aujourd’hui. Ce projet est irréalisable avec un Vladimir Poutine car il s’y oppose et défend la souveraineté russe. Ensuite, il ne reconnaît pas la prétention américaine à exercer cette hégémonie en toute exclusivité. C’est là qu’il faut chercher la vraie raison des attaques acharnées que commet l’Occident contre lui et de sa diabolisation. C’est aussi la raison pour laquelle l’Occident soutient de manière aussi spectaculaire l’opposition russe: il s’agit d’acquérir de l’influence et de consolider l’hégémonie occidentale.

Q.: D’après vous donc, Poutine fait tout ce qu’il faut faire...

AD: Bien sûr que non. Il a commis des erreurs, notamment lors des dernières élections pour le Parlement. Elles n’ont pas été aussi transparentes qu’elles auraient dû l’être.

Si vous êtes favorable à l'hégémonie libérale globale, vous êtes l'Adversaire

Le concept de nation est un concept capitaliste, occidental. Pour sa part, l'Eurasianisme, au contraire du nationalisme, met en valeur les différences culturelles et ethniques, et non pas une unification basée sur l'individu. Nous nous différencions du nationalisme parce que nous défendons un pluralisme des valeurs. Nous défendons des idées, pas notre communauté ou notre société. Nous contestons la postmodernité, mais pas seulement pour le compte de la nation russe. La postmodernité est un gouffre béant. La Russie entre seulement pour partie dans cette lutte globale. Elle en est certainement un élément important, mais pas le but ultime. Nous considérons ne pas pouvoir sauver la Russie sans sauver le monde en même temps. Et de même, nous ne pouvons pas sauver le monde sans sauver la Russie.

Ce n'est pas seulement une lutte contre l'universalisme occidental. C'est une lutte contre tous les universalismes, même les islamiques. Nous rejetons toute volonté d'imposer un universalisme, qu'il soit occidental, islamique, socialiste, libéral ou russe. Nous ne défendons pas l'impérialisme ou le revanchisme russe, mais plutôt une vision globale et une multipolarité basées sur la dialectique civilisationnelle. Ceux auxquels nous nous opposons disent que la multiplicité des civilisations conduit nécessairement à l'affrontement. C'est une affirmation fausse. La mondialisation et l'hégémonie américaine provoquent des ingérences sanglantes et déclenchent des flambées de violence chez des civilisations entre lesquelles pourrait exister, en fonction des circonstances historiques, la paix, le dialogue ou l'antagonisme. Mais imposer une domination sous-jacente implique le conflit et conduit inévitablement au pire dans l'avenir. Ainsi, ils parlent de paix mais ils font la guerre. Nous, nous défendons la justice – pas la paix ni la guerre, mais la justice et le dialogue et le droit naturel de tout ensemble culturel de préserver son identité et de contrôler son destin. Nous devons nous libérer de ces prétendus universalismes.

Je crois que il y a deux Europes. Un entretien avec Alexandre Douguine

L'Europe semble totalement absente de cette renaissance géopolitique, tellement elle est inféodée au parapluie Américain, quelle est votre opinion sur l'Union Européenne et sur la place que devrait avoir l'Europe dans le monde, et avec avec la Russie ?

Je crois que il y a deux Europe. L'Europe continentale (Franco-Allemande) et l'Europe atlantiste (Nouvelle Europe inclue). Ces deux Europes sont géopolitiquemet opposées en tout. Cela explique le blocage. Avec Sarkozy et Merkel la position des forces continentales est devenu plus faible. Je n'ai aucune recette pour l'Europe. C'est l'affaire des européens – quoi choisir.

L’approche eurasiste consiste dans la pluralité des civilisations, une pluralité librement ressentie.

Ce sont les sociétés occidentales qui sont considérées comme les plus développées, donc apparaît un modèle où les différences sont en fait négatives. Les différences sont des retards de développements. Si une société diffère d’une autre, alors il y en a une qui est plus progressiste et développée, et l’autre moins progressiste. Par conséquent, celle qui est moins progressiste se voit privée du droit d’autodéfense, d’argumentation en faveur de sa propre position ; elle est juste considérée comme immature, sous-développée, et c’est tout.